Si vous aviez connu le petit garçon d'avant, le petit garçon qui avait encore ses parents à ses côtés, qui avait encore une belle vie, vous ne le reconnaîtriez pas, non il ne vous traverserait même pas l'esprit que le Naos d'avant et celui d'aujourd'hui soit la même personne. Ce garçon plein de vie, si gentil, serviable et drôle, qui avait une véritable bouille d'ange, que tout le monde adorait, aimait et choyait avait disparu comme la neige au soleil. Il avait été remplacé par un autre Naos, le Naos d'avant n'existait plus, comme scellé par les souvenirs trop douloureux de la mort brutal de ses parents, ses piliers dans ce monde. Voir ses parents mourir devant ses yeux avait définitivement brisé quelque chose en lui, le rendant dysfonctionnel et ce pour toujours. Petit garçon irréparable. Son sourire lumineux, ses yeux pétillants, sa voix enjouées, ses grands gestes, tout avaient disparu, ne laissant plus rien, rien à part un visage neutre et regard vide et hanté.

C'était la première évolution du nouveau Naos. Un être perdu et vide.

Des circonstances ont fait qu'il a été enfermé durant des années avec toutes ses demandes exaucées. Même si il pensait à en profiter au début, il se lassa vite, ayant perdu goût à la vie, au bonheur qu'était la vie. Cet enfermement lui avait fait petit à petit perdre la tête, très vite il en eut marre, très vite il n'en put plus de cette chambre. Alors il devint instable, pouvant disjoncter à chaque instant, pour n'importe quelle raison aussi insignifiante soit-elle. Ce n'était pas rare qu'on retrouve sa chambre saccagée, détruite dans tout les sens du terme. Ce n'était pas rare non plus qu'il se fasse mal lui même de manière inconsciente, trop plongé dans sa folie passagère pour faire attention à ce qu'il y avait autour de lui et surtout à lui même. Et malgré tout ça il restait tout de même une part d'enfant en lui, ne pouvant se résoudre à l'abandonner complètement, s'émerveillant à chaque nouvelle chose qu'il découvrait et ce fut encore plus le cas quand il fut libéré et put revoir le monde extérieur. La seule chose qui lui permettait de calmer ses colères c'était les livres, se plonger pendant des heures dans les bouquins, oubliant tout ce qu'il y avait autour de lui, oubliant sa vie, sa situation, ses pensées, tout. Dans l'incapacité de continuer ses études il apprit tout lui même, complètement autodidacte, même ses techniques de combat étaient tirés de livre. Ça fit vite de lui un jeune garçon intelligent, futé et stratège bien qu'instable.

C'était la deuxième évolution du nouveau Naos. Un être partagé entre deux entités.

En tant que nouveau chef de secte Naos avait du se créer une image, l'image d'une personne qu'il n'était pas, qu'il ne pouvait même pas supporter lui même, l'image d'un chef, d'un meneur...d'un tueur. Il avait du devenir une autre personne, se montrer implacable et intransigeant et surtout instaurer la peur. Il devait se faire obéir et respecter. Il avait appris à ne plus montrer ses sentiments, à rester impassible devant chaque situation, devenant bien trop mature pour son jeune âge, rêvant de vengeance pour ses parents, guidé par les ressentiments et le mépris.
Il n'avait pas eu le choix, il n'avait jamais eu le choix. Il avait du laisser son reste d'humanité au placard pour pouvoir survivre dans son monde qu'on lui avait imposé de force mais sur lequel il était bien décidé à reprendre le contrôle.
Un solitaire. Et même si il se persuadait qu'il n'avait pas besoin des gens, il était affreusement seul, seul avec lui même. Certain d'être un être maléfique, d'être le suppôt du diable il se disait que tout était de sa faute, que tout était mérité. Il avait peur de lui, de lui et de tout cet inconnu. Il laissait rarement les gens l'approcher à part les membres de sa secte, de peur que ça se termine mal pour eux, qu'ils soient frappé par la fatalité.
Il croyait porter malheur aux gens. Il croyait les emporter dans son enfer avec lui.

C'était la troisième évolution du nouveau Naos. Un être redoutable et froid mais surtout apeuré par lui même.

Le Naos final n'était autre que le mélange de ses trois évolutions. C'était bien complexe, jonglant avec ses humeurs, en fonction de la personne avec qui il était, de la situation, de l'endroit. Lui même n'arrivait pas à se cerner complètement, ne se comprenant pas, ne se reconnaissant pas, se demandant ce que le monde avait fais de l'ancien Naos.
Il se cherchait lui même.

C'était la quatrième évolution du nouveau Naos. Un être à la recherche de son véritable soi.

Sa vie était parfaite. Il ne pouvait pas rêver mieux, vraiment. Ses parents étaient aimants et là pour lui, il pouvait compter sur eux. Il avait des amis, comme tout les garçons de son âge. Il souriait beaucoup, rigolait beaucoup, il respirait la joie de vivre. C'était un petit garçon épanouie, le genre de petit garçon qu'on ne pouvait s'empêchait de trouver rayonnant, qu'on disait qu'il irait loin dans sa vie, qu'il réussirait. Oui, tout était beau, bien trop beau pour être vrai. Tout ça n'était que la surface, ce n'était que le papier cadeau rose bonbon mais le contenu était tout autre. Il ne savait pas que ses parents se battaient contre les sectes, qu'ils faisaient tout pour libérer les gens de l'emprise de ses organisations sordides et il ne savait pas qu'une d'elle les avait pris pour cible. Il n'était pas au courant non, lui il ne vivait qu'à l'extérieur de tout ça, ne se doutant de rien, et ses parents gardaient bien le secret, ne voulant pas voler l'innocence de leur fils chéri. Peut être qu'ils auraient du, peut être qu'ils auraient du le prévenir du danger, qu'il ne vive pas dans l'insouciance, qu'il fasse attention, qu'il n'ouvre pas la porte à n'importe qui. Mais il ne savait rien, comment le blâmer d'avoir laisser entrer ses gens dans leur maison, comme lui en vouloir de ne pas avoir compris les yeux remplient de peur et de crainte de ses parents, comment le réprimander quand il avait demandé ce qu'il se passait à ses parents quand ils s'étaient mis à lui crier de fuir, de les abandonner. Il n'avait pas compris, il ne pouvait pas comprendre. Il n'avait pas réagi, il ne pouvait pas réagir. Il avait simplement pu observer, observer ses gens scander les fautes de ses parents, les traitant d’hérétiques, regarder ses gens attraper violemment ses parents, leur arrachant les cheveux, les frappant, les étranglant, les laissant inconscients sur le sol recouvert d'essence. Il n'avait pu rien faire, impuissant, son monde de couleur et de lumière s'était brisé en quelques secondes.

« Brûlez dans les flammes de l'Enfer. »

Cette phrase avait résonné dans ses oreilles quand le feu s'était élevé dans sa propre maison, quand on l'avait attrapé et jeté à même les flammes juste à côté de ses parents qui reprenaient doucement conscience. Que pouvait-il bien faire ? Rien, absolument rien. Il n'avait pu qu'entendre les larmes de ses parents, leur supplications puis leur cris de douleur mélangés aux siens. Ça faisait mal, s'était douloureux. Ses parents l'avaient entouré de leur étreinte comme pour le protéger des flammes, comme pour le sauver. Mais à cet instant il ne pensait à rien, il ne pensait à rien d'autre que la douleur qui se diffusait dans ton son corps, qu'à l'odeur de chair cramé qui remplissait ses narines, qu'à la fumée qui lui prenait la gorge l'empêchait de respirer, de crier sa douleur, sa peur et sa peine. Le silence. Il n'entendait plus ses parents, il ne s'entendait plus. C'était juste le silence et le crépitement des flammes qui dévoraient tout sur leur passage. Il perdait connaissance, n'arrivant plus à faire passer le moindre milligramme d'air. Il se sentait perdre pied, il sentait sa vie s'échapper, il sentait l'étreinte de ses parents se desserrer pour le laisser seul, seul avec les flammes. Il se sentait mourir. Lui et ses parents étaient en train de mourir. Mourir vivant dans les flammes de l'Enfer.


Il se retournait encore et encore dans ce lit bien trop grand pour lui tout seul. Il s'ennuyait à mourir. Il n'avait rien à faire. En fait si il y avait énormément de chose qui pourraient l'occuper dans son immense chambre mais il n'avait envie de rien. Il ne pouvait même pas passer le temps à perdre son regard dehors, dans le ciel trop bleu ou trop gris, se brûler les rétines en regardant trop le soleil, observer les étoiles ou la lune, sa chambre était dépourvue de fenêtre le coupant complètement du reste du monde. Son soupire résonna dans sa chambre si vide. Comment il en était arrivé là ? Il le savait très bien. Il souleva son bras gauche comme pour attraper quelque chose d'imaginaire. Il observa cette chose immonde qui lui servait de bras, cette chose qui n'avait plus de forme précise, qui n'était qu'une chose brûlée et dégoûtante avec une croix marqué au fer sur le dos de sa main, cette chose qui le lançait encore bien trop souvent comme pour lui rappeler, pour lui dire de ne pas l'oublier. Et Il se rappelait très bien pourquoi il était ici, son bras ne lui permettait pas d'oublier, seul vestige de son passé douloureux. Il porta son bras meurtrit à son œil gauche tout aussi meurtrit. Il passa les doigts sur sa cicatrice, cicatrice douloureusement infligée par les personnes qui le retenaient enfermées ici. Son esprit comme son corps avaient complètement changé, mettant au placard l'ancien Naos, et ça il en avait parfaitement conscience, tout comme le fait qu'il ne pourrait jamais redevenir comme avant.

Lorsqu'il s'était réveillé il était déjà dans cette chambre. Au début il n'avait pas compris, il ne comprenait pas comment il pouvait être encore vivant. Parce qu'il était bel et bien vivant, la douleur de son corps, ses souvenirs, ses larmes qui coulaient actuellement sur son visage lui montraient bien. Alors qu'il cherchait à comprendre, à savoir pourquoi il était encore en vie, pourquoi la mort ne voulait pas de lui, pourquoi la vie lui infligeait encore de vivre après ce qu'il s'était passé, la porte s'était ouverte laissant entrer ses bourreaux. Il avait eu peur, affreusement peur. Il savait qu'ils ne venaient pas ici pour l'achever sinon ils l'auraient fait depuis longtemps alors pourquoi le retenaient-ils ici ? Il aurait parler, demander, exiger, crier mais sa voix refusait de marcher, la fumée l'ayant trop abîmée pour qu'il puisse parler dans l'immédiat. Il s'était laissé traîné, incapable de tenir sur ses propres jambes, son cœur cognait dans sa poitrine, son sang battait dans ses tempes, seule la douleur et la peur le maintenant à la surface de la conscience.
Il traversait des couloirs gigantesques, et il n'avait aucune idée d’où il allait, d’où il était tout simplement. Tout ce qu'il remarquait était les regards craintifs qu'on lui lançait à son passage. Ils avaient peur de lui ? Ce n'était pas censé être le contraire ? C'était lui qui avait peur d'eux pas l'inverse. Il ne savait pas à quel point il se trompait, à quel point ils étaient effrayés par ce petit garçon inoffensif qu'il était. On chuchotait sur son passage mais il n'arrivait pas à entendre ce qu'il se disait. La peur se fit plus grande. Elle redoubla encore plus quand on le mit à genou devant une assemblée, une foule de personnes habillées en tenue religieuse. Son souffle s’accéléra. Il avait l'impression de passer devant un tribunal, qu'il se faisait juger, qu'il avait fait quelque chose de grave, d'inacceptable. Les regards sur lui le faisaient se sentir comme un monstre, il ne sentait pas à sa place, comment il pourrait se sentir à sa place avec tout les regards braqués sur lui.  

« Ton crime est d'avoir survécu. »

C'était ça son péché, d'avoir survécu, d'être sorti de ses flammes, d'être encore là, d'être en vie. Il aurait bien voulu dire que se n'était pas de son ressort, que se n'était pas de sa faute, qu'il ne l'avait pas voulu, qu'il aurait préféré perdre la vie avec ses parents plutôt qu'être dans les mains de ses fous furieux mais ça n'aurait servi à rien parce qu'ils le savaient.

« Né des flammes et de la douleur, tu es l'enfant du diable. »

Le silence se fit dans la salle comme dans sa tête. Alors s'était ça, c'était la tragique conclusion à laquelle ils étaient arrivés. C'était pour ça qu'ils ne le tuaient pas, ils avaient peur, peur des représailles.
Ensuite tout se passa très vite, trop vite. On l'emmena dans une autre salle et on le mutila encore plus qu'il ne l'était. On lui dit que la croix sur sa main était pour empêcher le diable de prendre possession de son corps, et que sa marque à l’œil était pour montrer son rang de suppôt du diable. On le marqua pour montrer qu'il était différent, qu'il était dangereux et qu'il ne fallait surtout pas l'approcher. On l'enferma dans cette chambre, sans fenêtre, sans poignet de l'intérieur, on lui donnait tout ce qu'il voulait, on le gardait en cage comme un oiseau rare pour ne pas s'attirer les foudres de son père présumé.
Les seuls instants ou il avait le droit de mettre un pied dehors était lors de deux moments. Le moment de purification, on le baignait dans de l'eau bénite gelée pendant des heures pour le fouetter ensuite. C'était censé laver son corps de toute impureté, de tout sentiment négatif, pour eviter tout risque de possession mais au contraire ça ne faisait qu'augmenter ses ressentiments envers eux. Le deuxième était lors du sacrifice annuelle, sacrifice humain, sacrifice d'un membre de la paroisse, sacrifice pour apaiser la colère de Satan. Il ne pouvait s'empêchait de croire que ces sacrifices étaient en parti de sa faute. Les deux moments ou il se trouvait en dehors de sa chambre il aurait préféré ne jamais les avoir, lui rendant la vie encore plus difficile, lui faisant encore un peu plus perdre la tête et sa prise sur lui même, le faisant dérailler. Qui ne perdrait pas la tête dans ses conditions ? Qui ne commencerait pas à croire que ceux qui le retenaient n'avaient pas raison ? Lui en tout cas il y croyait maintenant, persuadé d'être porteur de tout les malheurs qui pouvaient arriver en ce monde.

Et ça faisait maintenant quatre longues années qu'il était enfermé ici, se perdant un peu plus lui même, murissant son envie de vengeance et de liberté.


Ce soir avait tout changé. Il lui avait donné ce qu'il voulait, ce qu'il souhaitait depuis maintenant six longues années. Il ne savait pas ce qu'il s'était passé ce soir là, il ne pouvait pas savoir enfermé dans chambre sans visibilité extérieur mais il le comprit à l'instinct, il le comprit à la souffrance qui se propageait doucement dans son corps, il comprit que quelque chose était différent ce soir. Parce qu'il entendait les cris résonner, parce qu'il sentait son corps changer. Et ça dura pendant des heures, des heures de douleur, de convulsion et de questions, questions sans réponses. Est ce que c'était le diable qui le punissait pour n'importe quelle raison ? Est ce que c'était un avertissement ? Pendant un instant il avait cru qu'il allait mourir mais la douleur prit fin et c'était difficilement qu'il se leva et qu'il se positionna devant le miroir. On l'avait encore plus défiguré. Cheveux blancs et œil gauche effrayant il ne savait pas ce qu'il s'était passé, et ça le conforta encore plus quand l'idée que c'était Satan qui était à l'origine de ce soudain changement d'apparence. Mais ce n'était pas tout, non ce n'était pas tout, il se sentait différent à l'intérieur, comme si quelque chose grouillait à l’intérieur de lui et ne demandait qu'à sortir. Et il y avait cette bestiole qui voletait autour de sa tête. Quelque chose n'allait tout simplement pas. Il passa plusieurs jours dans l'ignorance, rongeant son frein mais surtout mourant de faim. Personne n'était venue le voir depuis ce soir là et il commençait sérieusement à ne plus en pouvoir. Il jeta un coup d’œil à la porte. Il pourrait toujours tenter. Mais bien sur elle ne s'ouvrait pas alors il s'acharna sur elle, finissant par s'ouvrir les poings, laissant échapper du sang et elle s'ouvrit dans un déclic. Il resta quelques secondes éberlué devant cette porte ouverte. Il n'avait pas le temps, il s'étonnerait plus tard. Il traversa les couloirs sombres bien trop silencieux, bien trop vide, son esprit rempli de question ne lui permettait même pas de rendre compte qu'il était dehors et qu'il pourrait s'échapper. Enfin il tomba sur des gens, des étendus sur le sol, des gens morts. Ça ne lui fit rien à part qu'il comprenait encore moins la situation. Les couloirs étaient baigné d'une lumière rouge et finalement il tourna la tête vers l'extérieur pour tomber sur cette lune rouge. Hypnotisé il se dit que décidément s'était vraiment l’œuvre de son père, qu'il lui donnait une chance, chance qu'il allait saisir sans hésiter.
Contrairement à se qu'on pourrait penser il ne se précipita pas vers la sortie mais vers l'endroit ou devait se trouver le chef de cet endroit. Il avait une idée bien précise en tête. Il n'avait pas l'intention de partir d'ici, il avait fini par accepter sa condition et il n'était pas bête, bien qu'il ait étudié à l'aide de livre il ne connaissait rien du monde extérieur, il ne trouverait pas sa place. Alors il était bien décidé à rester à ici mais pas en tant que prisonnier, pas en tant de captif. Il atteint l'endroit qu'il voulait.
Le soulèvement pouvait commencer, la rébellion pouvait commencer, le carnage pouvait commencer.


Il était maintenant à sa tête. Il était celui qui donnait les ordres, qui instaurait les règles, qui faisait peur par son autorité, à qui on donnait du respect, à qui on obéissait. Ils ne vouaient plus un culte à Dieu mais à Satan. Il s'était imposée, imposée par la violence et la peur et il avait atteins son but.
Il n'était pas libre de son passé, ni de sa folie, ni de sa rancune mais il était libre à sa manière.
Il était chef de secte du haut de ses dix-sept, il avait sans doute plus vécu que tout les gens de son âge, il était sans doute bien trop mature, bien trop dure, bien trop différent, bien trop seul mais aujourd'hui il pouvait observer le ciel.