Qui est Seth ?
Il est ce gamin que la vie a oublié de gâter. Jeté entre les murs d’un orphelinat avant qu’il n’ait l’âge de savoir ce que signifiaient les mots “famille” et “parents”. Une vingtaine d’enfants rejetés et seuls comme lui auraient dû se serrer les coudes, mais vos utopies de grandes familles chaleureuses dans ces endroits vont être brisées, je m’en excuse. Faible, aussi bien physiquement que mentalement, Seth a toujours été mis de côté. Il était le bouc émissaire, celui qu’on accusait de la moindre casse, du moindre pleur et l’influence des plus vieux ont toujours fait qu’il était le seul qu’on pointait du doigt. Les plus petits qui subissaient comme lui, l’accusaient si cela leur permettait de passer la main. Seth a été la boule anti-stress des rois de l'orphelinat et personne, pas même les adultes, ne lui a tendu la main jusqu’à ce qu’un nouveau colocataire vienne habiter les lieux. Matthew, et il a appris ce que voulait dire le mot “frère”.

Générosité, tolérance, entraide, compassion ? Tant de mots qu’il n’a jamais pris le temps de comprendre. Pourquoi doit-il en faire preuve lorsqu’on en a quasiment jamais eu pour lui ? Il dit quasiment, car Matthew a été le seul en une quinzaine d’années.  Alors Seth, c’est toujours ce gamin que le chaos a un peu plus gâté. Il était déjà indifférent à la peine des autres, à leur douleur et à leurs maux, intéressé par rien d’autres que sa petite personne. Il a appris le sarcasme et l’ironie, à frapper avec les mots ou même le silence plus qu’avec ses poings. Fourbe et sournois, il était l’élève qu’on ne préférait pas se mettre à dos, mais qu’on menaçait quand même de blesser. Lui, il se sentait en sécurité avec un ange gardien comme son frère pour dissuader quiconque le menaçait. Il se sentait fort, supérieur à ces raclures qui osaient et osent encore le sous-estimer. Son égoïsme et son goût pour la manipulation ne datent pas de la Lune Rouge, c’est peut-être la raison qui a tant fait échouer les intentions de Matthew à le ramener sur le droit chemin. La vérité, c’est qu’il s’en est dévié avant même de l’avoir rencontré.

Il est devenu ce jeune homme que rien n’arrête, pas même les pleurs d’une jeune fille trop douce. Il se fiche totalement du sort des autres, de la casse occasionnée quand il veut s’amuser et il aime écouter vos pensées les plus inavouées. Il cherche la faiblesse et la peur, sachant quel mot utiliser pour vous s'y faire et ça l’amuse de vous duper, de jouer les braves pour mieux vous torturer ensuite. C’est subtil, parfois moins et l’adrénaline de ses conneries le stimule toujours plus, surtout lorsqu’il fait une bourde et qu’il doit fuir. Depuis l’arrivée de son pouvoir, il est devenu deux fois plus arrogant, audacieux, moqueur, immoral… et deux fois plus con, sûrement, mais il assume absolument tout. Il rit de tout et de rien, mais surtout du malheur des autres. Il rit quand on l’insulte, sourit à ses ennemis et s’entraîne même pour améliorer son humour, mais on ne le trouve pas souvent drôle. En résumé, les habitants sont ses petits jouets et New York, son terrain de jeu.

Seth, c’est aussi ce jeune homme intelligent, qui sait quand se retirer ou comment amener d’autres à prendre sa place de coupable. Il est discret quand il faut l’être, habile de ses dix doigts pour vivre et parfois de ses poings, quand on veut l’affronter. Il est plus du genre à déstabiliser, esquiver et frapper en traître quand il peut, mais il est tout à fait capable de tenir la cadence face à une brute s’il le faut. Quelqu’un lui a appris à se défendre, même s’il évite ce genre de choses au risque d’avoir mal ou de s’abîmer le visage. Après tout, Seth est un lâche et il craint la douleur, même s’il peut la supporter. Du reste, on peut dire qu’il est rancunier et qu’il n’aime vraiment pas se faire entuber, même s’il est lui-même très loin du mec loyal. Il sauve sa peau avant tout et n’a de compassion pour pas grand monde, appréciant sa liberté et sa vie de solitaire bien qu’il ait quelques bonnes connaissances ici et là. Il lui faut bien de quoi se divertir, c’est un bon pote quand il veut, mais ne comptez pas trop sur lui pour vous tendre la main ou une épaule pour pleurer. Par contre, il vous prêtera ses deux oreilles et son sixième sens avec une très grande générosité. Comme quoi, il en est capable parfois.

Ses yeux sombres et brillants se posèrent sur les deux femmes d’un âge avancé qui lui priaient de prendre son bain, mais il s’obstinait. Il ne voulait pas, parce que l’eau était tiède et qu’il la voulait brûlante. A six ans déjà il faisait ses caprices et on ne l’écoutait guère. Pour la peine, on le jeta même sous l’eau froide et il tomba malade le lendemain. On riait de lui parce que son nez et ses joues étaient aussi rouges que les feux stop des panneaux de signalisations sur sa peau trop blanche, même qu’elle était sensible aux rayons du soleil et qu’il ne l’y exposait pas souvent. Un jour d’été comme celui-ci, il était donc bien embêté, malade et habillé chaudement quand les autres se promenaient en débardeurs et shorts de bain. Il aimait le soleil Seth, mais c’est lui qui ne l’aimait pas. Il aimait la chaleur, frileux comme pas possible et il était bien lui, dans son chandail. Pourquoi se moquait-on de lui ? Parce qu’il n’entrait pas dans la généralité ? On lui subtilisa la brioche de son dessert, un garçon plus âgé et plus grand qui lui évitait une indigestion, dit-il. Ce serait dommage avec son rhume que de l’accabler d’un problème en plus, n’est-ce pas ? C’était sa seule consolation après la purée de petits pois… et on la lui prenait pour la quarantième fois. Il affronta le regard de son ‘frère’ et tenta de la lui reprendre, mais il était plus petit et plus faible. Peu importait à quelle hauteur il parvenait à sauter, la brioche demeurait hors de portée. L’autre finit par le pousser et il perdit l’équilibre, parce que la fièvre commençait à s’en mêler et que sa tête lui tournait, mais il ne pleurerait toujours pas. Surtout pas devant eux, non jamais. La colère se lisait dans ses yeux, on pourrait même appeler ça de la haine, il le défiait comme s’il était prêt à se jeter sur sa gorge pour l’étrangler et bien sûr, ses regards ne plaisaient jamais. « Baisse les yeux. » lui somma-t-on. « Baisse les yeux, crevette. » Il avait droit à ‘avorton’, ‘demi-portion’, ‘lavette’ et il en passait, s’il pensait l’atteindre avec ça, franchement. Pour un gosse de huit ans, il avait fort peu d’imagination. Seth ne fit que lui sourire et il reçut un coup de pied dans le bassin en prévention, mais il recommencerait encore et toujours. Il ne montrerait jamais à ces brutes qu’elles réussissaient à l’atteindre, même si c’était pourtant le cas. Parfois, il s’emmitouflait sous ses draps en laissant ces perles chaudes et humides dévaler ses joues, à se demander si un jour des parents s’arrêteraient pour lui et cesseraient ce calvaire. Il n’y en avait pas beaucoup qui revenaient et le plus souvent, les petites filles partaient en premier. Deux fois, on l’eut enfermé dans un placard à balais pour l’empêcher de se montrer et quand on l’eut retrouvé, on l’incendia d’avoir ainsi joué là où il ne fallait pas. Souvent, Seth se demanda pourquoi on n’avait pas voulu de lui au départ. Du plus loin qu’il se souvienne, il avait toujours vécu entre ses murs. Avait-il trop pleuré en venant au monde ? Ou peut-être même qu’il avait tué sa mère ? On ne lui en avait jamais parlé, mais c’était le sujet tabou ici. Puis à six ans, on n’osait pas les formuler ces questions, surtout lorsqu’on se sentait si peu écouté. Il n’y avait que Rosie qui était gentille, mais c’était une bénévole, une étudiante qui ne venait que le weekend. Il avait dû lui faire pitié, mais c’est avec lui qu’elle aimait lire et dessiner. Et c’était avec elle qu’il aimait apprendre et se laisser dorloter. Jusqu’à ce que Rosie s’en aille et qu’il recommence à attendre, à espérer que la chance lui sourie comme l’enfant naïf qu’il était.

L’année de ses dix ans marqua le changement de sa vie. L’orphelinat était grand, assez pour que tous les enfants ne soient pas toujours rassemblés en même temps en dehors des repas et des quartiers libres dans la cour. Seth était trop discret et peu sociable pour aller vers qui que ce soit, préférant ses bouquins et sa vieille console DS, une antiquité à ce stade, un truc que ses arrière-grands-parents devaient trouver cool, et lui aussi. Il restait la plupart du temps dans son dortoir, mais c’était ironiquement l’endroit où il était le moins en sécurité, ses harceleurs étant ses camarades de chambrée. Mais voilà, un jour comme ça, les vieilles pies lui annoncèrent que le lit libre au-dessus du sien, serait bientôt occupé. Mais pas par un nouveau pensionnaire, non, juste par le boucan de Summers qui avait encore provoqué une bagarre dans son dortoir, et que Seth ne connaissait pas vraiment. Il s’éloignait au plus possible des brutes, vu le sort qu’on lui réservait déjà… Ce fut donc, la pire nouvelle qui soit. L’autre allait se joindre aux trois cons et il allait encore déguster, il ne s’imaginait même pas avoir une chance de sympathiser… alors il ne fit aucun effort. Ce jour-là, il resta allongé sur son lit avec un livre de littérature, une histoire qu’il lisait pour la seconde fois et qu’il aimait bien, signé Oscar Wilde. Il n’accorda qu’un regard et un ‘salut’ familier au grand blond. « Hey… tu lis quoi ? » Seth ne leva point les yeux de son livre et ne fit que tapoter la couverture. « Woah… t’arrives à lire des trucs sans image ? » Cette remarque le fit soupirer et il mit le garçon dans la catégorie des débiles profonds, mais Seth n’avait plus de grandes estimes pour personne donc bon. « Y’a que des vieux livres comme ça ici, c’est ça ou les aventures d’un hérisson paumé qui te prend pour un débile en commentant tout ce qu’il fait. » Il baissa son livre et offrit au garçon un joli sourire moqueur. « Remarque… tu les aimerais sans doute. » Il lui lança un regard qui voulait clairement lui dire de dégager ou de le laisser lire tranquillement, mais l’autre se mit à rire et sauta sur son nouveau lit avant de pencher la tête en bas pour regarder le brun. « J’m’appelle Matthew. T’es discret toi, mais je te vois parfois. » Seth garda les yeux rivés sur sa page, mais pour une raison ou une autre, il se sentit… à l’aise. « Seth. » Et ce ne serait peut-être que temporaire, qu’une chaleur trompeuse quand Matthew s’ajouterait à la liste de ses calvaires. Il ne devait pas espérer alors que d’ici une semaine, il le haïrait comme les autres. Puis, au terme de cette fameuse semaine, on le surprit. Tandis que ses trois brutes préférées l’acculèrent contre le mur de la chambre avec un peu trop de violence, l’accusant d’avoir volé un quelconque objet (ce qui était vrai), Matthew vint se joindre à eux. Seth rit d’un ton si moqueur qu’il se désespéra lui-même d’avoir malgré tout un peu espéré. « C’est si courageux, à quatre contre un. » Siffla-t-il et on lui répondit en levant le poing, prêt à tester la résistance de son nez, mais le coup n’arriva jamais. Seth rouvrit les yeux sur le rictus d’un blond visiblement excité par la situation, mais pas dans l’optique de tabasser plus faible que lui. Il défia les trois en même temps et tel que Seth s’y attendait, ils n’eurent aucune loyauté entre eux, poussant Matthew à les poursuivre jusqu’à ce qu’on l’arrête. On priva Matthew de repas ce soir-là, mais à la nuit tombée alors que le couvre-feu avait sonné, deux brioches furent déposées sur le matelas du blond. Apparemment, ça suffit à signer le début de leur amitié même si, sans doute, ils l’étaient devenus dès les premiers mots échangés.


L’orphelin qu’il était voulait entrer à l’université, comme tout élève un peu ambitieux et il en faisait partie, oui messieurs. Il s’intéressait à la littérature et à l’astrophysique, si je vous le dis. Le coût de ses études avait été énorme cependant et il s’était donné les moyens pour l’atteindre, en travaillant dès ses dix-sept ans dans un joyeux bar qui avait bien voulu l’accepter. C’est qu’on n’engageait pas facilement un ado paumé et sans véritable foyer, avec pour seuls responsables, des personnes qui s’en délesteraient au moindre problème, parce que les préjugés étaient tenaces et qu’ils justifiaient tout. Ce ne fut qu’après deux ans d’économies et l’obtention d’une bourse pour ses bons résultats, qu’il avait pu suivre des études pendant un an. Un an et il dût abandonner, rattrapé par la réalité parce qu’entre-temps, l’orphelinat le mit à la porte à sa majorité et ses dettes s’agrandirent lorsqu’il dût payer un loyer, partagé avec Matthew, heureusement. Il se féliciterait presque d’avoir gardé son amitié aussi longtemps, mais la vérité, c’est qu’elle reposait uniquement sur le blond. C’était lui qui acceptait de rester et de le protéger, toujours prêt à veiller sur lui. Seth s’était toujours senti plus fort grâce à lui, en sachant qu’on pourrait le défendre s’il déconnait un peu trop, mais plus le temps passait et plus cet aspect laissait place à quelque chose d’autres. De la frustration ? Ce n’était plus Seth que l’on craignait, ses mots tranchants n’atteignaient plus et ses coups bas étaient ignorés, masqués par la colère d’un autre que l’on ne voulait pas réveiller. Et ça, ça ne lui plaisait plus du tout. Seth n’était pas manchot ni aussi faible qu’on le clamait, il pourrait se défendre avec les poings lui aussi, s’il le voulait et on lui riait au nez quand il le prétendait. Il ne montrait pourtant pas son irritation, toujours aussi souriant et suffisant, mais un jour il eut pressé un camarade contre un mur et forcé sur sa trachée par non inadvertance, et ce fut la première fois qu’il se disputa avec celui qu’il appelait son frère. A vingt ans, il estimait être assez grand pour se débrouiller seul, mais ils se réconcilièrent pas moins d’une heure après devant un marathon d’animes. Il n’avait que lui, Seth, il ne foutrait pas tout en l’air pour si peu.

La Lune Rouge. En voilà un événement qui aura bouleversé bien des vies, mais elle n’avait rien fait de plus que ravir celle de Seth. Ce n’était pas très drôle au début cela dit, il l’avait aussi bien vécu que toute la population. Elle était belle cette Lune, magnifique à travers les carreaux de sa fenêtre, serait-il en train de rêver ? Lui et son amour pour les astres ? Quand il fut victime de fortes migraines quelques secondes après, il jugea que non. La douleur fut si forte qu’il s’en laissa tomber sur le sol, recroquevillé contre le mur alors qu’un brouhaha sans nom lui vrillait la tête. Ils avaient des voisins certes, mais pourquoi parlaient-ils si forts ? Les murs n’étaient même plus faits de papiers, là, il n’y en avait même plus et il crut qu’on s’était infiltré chez eux. « MAIS VOS GUEULES PUTAIN !! » Ça criait dans sa tête, ça se posait des questions, ça souffrait et ça ne s’arrêtait pas. Un tourbillon de pensées et de mots qu’il arrivait à peine à discerner. Maman, mal, pourquoi moi, qu’est-ce qu’il se passe, au secours, aidez-moi, s’il vous plait, quelqu’un. Etait-ce lui ou les autres, sa voix ou les leurs, mais qui parlait ? Est-ce qu’il devenait fou ? Il devait rêver, vraiment… ses oreilles sifflèrent comme si on venait de le frapper à coup de batte, comme si sa tête avait heurté le sol trop fort et il rampa jusqu’à la cuisine pour choper la boite d’aspirines. Il en prit une, puis deux, puis trois et il sombra dans un sommeil trop lourd. A son réveil, il ne sentit presque pas son corps, anesthésié comme si un éléphant l’avait piétiné, même s’il ne savait pas ce que cela ferait. Sa tête resta vide quelques minutes, un silence de mort, mais c’était peut-être parce qu’il n’y avait plus personne. Il était allongé sur le sol de sa cuisine, resté à l’endroit où il s’était endormi. Il entendit le son des sirènes à travers ses carreaux brisés, un vent froid s’infiltrant au travers qui gelait sa peau exposée, mais il était épuisé. Des cris au bas de sa rue, des voix lointaines et des rugissements étranges… était-ce la fin du monde ? Il se croirait presque au milieu d’un de ses jeux post-apocalyptiques. Quel merdier. Et tout cela à cause d’une lune rouge. Il l’avait trouvé belle cette conne, mais même la plus belle rose est épineuse.


Il lui avait fallu du temps pour s’y habituer, mais ses capacités télépathiques devinrent plus un avantage qu’un fardeau à ses yeux. Sa crise du premier jour n’était plus jamais arrivée, les migraines des premières semaines s’estompèrent également et il avait su trouver un certain contrôle. Et s’il n’avait eu que ça, mais non, il avait reçu un autre don qu’il découvrit par hasard et qui lui ôta tous ses soucis. Le plus gros dans sa vie ? L’argent. Alors, lorsqu’il découvrit qu’il pouvait insuffler une pensée dans l’esprit des gens qu’il touchait, les forcer à croire dur comme fer à une idée ou même leur faire oublier son visage, il s’en servit une première fois pour subtiliser le portefeuille d’un inconnu. Une seconde fois dans une épicerie, sortant avec son sac de course sans avoir payé le moindre centime et en se faisant même souhaiter la bonne journée par le caissier. Au début, ce n’était que de petites manipulations anodines, des façons de se faciliter la vie ou de tester jusqu’où il pouvait aller, sans trop prendre de risques. Puis, le jeu s’amplifia et sa curiosité, jamais rassasiée.

« T’avais pas besoin de faire ça. » Matthew. Lui aussi avait été gâtée par la Lune Rouge, il la remerciait de ne pas l’avoir tué. Mais, sa force décuplée, il fallait encore et toujours qu’il se sente obligé de veiller sur son petit frère. Et merde, il n’en avait plus besoin maintenant, Seth. A quel prix ? Son humanité ? Depuis quand en était-il doté. « Et pourquoi pas ? Il l’a pensé, mieux vaut prévenir que guérir non ? » Chantait-il, Seth, en ouvrant une cannette de soda. « Tu perds le contrôle… tu t’entends parler ? C’est complètement immoral ! T’as pas le droit de jouer avec la vie des autres… » Seth daigna enfin lui accorder un regard lourd en sarcasme. « Selon qui ? Je te l’ai dit, il voulait te blesser et moi aussi, je peux te protéger. » Il haussa les épaules et leva sa canette vers ses lèvres lorsqu’elle fut projetée contre le mur. « T’es con ou quoi ?! Préviens avant ! » Il secoua sa main qui avait reçu une partie du choc, et ça suffit à le mettre en rogne à son tour. « J’en ai rien à foutre de ces gens, t’entends ?! Ils ne m’ont jamais rien apporté ! On a toujours été pire que de la vermine à leurs yeux, ouvre les tiens Matt ! Ce n’est pas en tendant la main à tout le monde que tu t’en sortiras ! J’me suis libéré de ces chaînes il y a longtemps et tu devrais en faire de même. » Il quitta la pièce, coupant court à la discussion, mais Matthew tenait à y mettre un terme une bonne fois pour toutes, et ramener son frère à la raison. « Et tu penses que tu t’en sortiras, tout seul ? Tu n’es pas Dieu, mais tu te prends pour lui. » Oui et non, mais il n’était sûrement pas loin de la vérité.

Le crime de Seth cette fois-là, avait été de pousser un homme à menacer un Agapè, lui insufflant l’idée qu’il menaçait ses enfants jugés criminels. Seth n’avait eu qu’à regarder cet homme dans les yeux et le toucher pour immiscer ces idées dans son esprit tel le serpent qu’il était. Et l’homme s’était jeté sur le soldat, proférant des menaces à son tour, prêt même à lui ôter la vie et ce fut la sienne qui fut volée. Le crime de cet homme ? Il avait osé insulter Matthew et ses pensées ne lui avaient pas plu. Il ne faisait pas dans la demi-mesure Seth, et il n’avait eu aucun remords. Mieux, il avait ri en pariant sur l’issue de cet affrontement. Sa seule erreur ? Avoir agi devant son frère et maintenant, il voulait le changer. C’était peut-être pour ça qu’il l’aimait tant, ce grand con… c’était peut-être parce qu’il était tout son contraire, la lumière quand il n’était qu’une ombre, un soleil quand lui n’était qu’une nuit sans lune. Il avait besoin de lui pour rayonner, mais toutes les bonnes choses avaient une fin et si Seth devait même se séparer de lui pour vivre libre, alors soit. « Tu es juste jaloux. » Et l’erreur de plus arriva. Dans un excès de colère et d’affection peut-être, il voulait juste le ressaisir, mais Matthew agrippa les épaules du plus frêle et le poussa si violemment contre la porte qu’il eut du mal à cacher la douleur, pour une fois. La porte avait même cédé, précipitant sa chute et il resta silencieux de longues secondes. Très longues, à fixer le sol pendant que le blond réalisait, bégayant sans trouver ses mots. « Tu le regretteras. » Et Seth quitta l'appartement, sans plus jamais y revenir. C'était ce qu'il voulait dire, mais peut-être que Matthew allait mieux sans lui et qu'il était heureux de l'avoir fait partir. Il lui en voulait de ne plus l'accepter tel qu'il était, de ne pas le comprendre et de ne pas penser comme lui. Ça aurait pu être eux deux contre le monde, mais non. Matthew avait toujours été trop droit, peut-être qu'il lui faisait une fleur en sortant de sa vie. Et même s'il lui manquait souvent, il ne pouvait pas retourner vers lui. Autre que sa rancune d'avoir subi sa colère, il était une menace contre sa petite vie illégale et insouciante. Mais, il était peut-être le sauveur de son esprit en perte. Douceureuse agonie.