Elyon appartient à cette partie sombre et crasse de l'humanité qui effraie les grenouilles de bénitier recluses dans leur église et fait frémir les petits bourgeois dans leur tour d'ivoire. Elle est un fragment assumé de la déchéance de la morale et de l'éthique. Une pourriture, le genre de figure qu'on ne souhaite pas croiser seul, au détour d'une ruelle.

De son délicieux rictus flanqué sur ses lèvres maquillées à ses yeux pétillants d'une lueur qu'on peine à savoir malicieuse ou mauvaise, en passant par sa voix grave et son ton cinglant, la chasseuse de primes intime une méfiance mêlée de respect. Sa réputation la précède et la suit comme la peste, son nom est connu des hautes-sphères aux bas-fonds de New York. Spécialement dans les bas-fonds de New York, son terrain d'action habituel. Elle n'est pas une personne très fréquentable, et c'est probablement ce qu'il y a de plus caractéristique chez elle. Les âmes qui l'entourent savent ce qu'elle est, qui elle est. Elles connaissent le torrent bouillonnant, la lame à double tranchant qui se cache derrière ce beau visage fin. Elyon est à prendre avec des pincettes. Tout le monde le sait ; et ceux qui l'ignorent encore finiront par en prendre conscience un jour ou l'autre, de manière plus ou moins brutale.

Elyon n'est pas une femme droite. Elle est torve au possible, tordue comme les racines d'un chêne. Son être est craquelé de vices et péchés qu'aucun prête ne saurait plus laver. Sa morale a toujours été particulièrement obscure et tortueuse. Il semble que les règles sociales et éthiques ne s'appliquent pas à la demoiselle. Elle connaît pourtant les limites. Elle les connaît même par cœur, à force de les repousser.

Elyon ne joue pas selon les règles pré-établies mais préfère en créer de nouvelles : les siennes, qu'elle respecte et fait respecter autour d'elle. La jeune femme s'octroie le droit de faire ce qui lui plaît, se souciant peu des lois qu'elle enfreint volontiers depuis des années. Elle rit au nez de l'autorité et de la hiérarchie. Elyon n'idolâtre pas le faux-dieu qu'est Maxwell. Elle ne s'agenouille pas devant ce roi autoproclamé qui a construit un empire bancal voué à s'effondrer. Les Agapès ne la contrôlent pas ; elle est celle qui les contrôle. Elle est celle qui leur évite de se salir les mains et de s'épuiser, celle de qui ils dépendent. Cette âme impétueuse et sauvage, impossible à brider, impossible à mettre en laisse, qu'ils paient gracieusement par peur de tâcher leurs beaux vêtements. Ils lui accordent du pouvoir, et Elyon en profite tant et autant qu'elle le peut. Elle accepte qu'on crache sur sa profession, sur sa personne. Elle cautionne les moqueries et les blagues, les congratule de sourires sarcastiques qui trahissent toute l'ironie de la situation. Elyon est la figure de l'ombre qui permet aux grands de se sentir en sécurité.

La société péricliterait si des salauds comme elle ne se chargeaient pas du sale travail.
Elle le sait.
Maxwell le sait.
Sa petite armée le sait également.

L'Éros est une bombe à retardement. Son caractère de merde, de feu, la fait exploser trop facilement. Elyon est tout en impulsivité et en impétuosité. Elle se laisse encore trop souvent dicter sa conduite par son irritabilité qui insupporte et effraie. Sa voix fait trembler les murs, ses colères éclatent des mondes. On sous-estime trop souvent la silhouette frêle et toute en sensualité de la chasseuse de primes. On se demande comment une si belle demoiselle a pu se retrouver à travailler comme mercenaire. On s'interroge, sur ce joli minois qui semble faire tache dans le décor. Jusqu'à ce qu'elle gâche le décor, l'agrémentant de dents, de sang, de haine. Elyon est une femme violente et belliqueuse. Elle a plus de couilles que la plupart des hommes qu'elle croise et aime à le rappeler. Quelque peu castratrice, elle ne supporte pas que son indépendance ou ses capacités soient remises en question. Elyon fait en sorte d'ancrer sa personnalité dans les esprits, quitte à devoir fracasser des crânes pour que le tout pénètre mieux.

Elle se renfrogne lorsqu'on lui fait remarquer qu'elle boit beaucoup. Beaucoup trop. Elle noie son alcool dans le chagrin, et inversement. Par envie, par plaisir, par amusement, pour combler les manques. Pour oublier ses jambes fatiguées de courir après les fugitifs. Pour oublier les conquêtes et aventures qu'elle enchaîne sans plus les compter. Souvent muette quant à sa personne, Elyon ne supporte que difficilement qu'on tente d'interférer dans ses affaires ou qu'on force l'entrée de son jardin secret. Elle aime entretenir une part de mystère autour de sa personne.

Avec son tempérament insupportable, on la voudrait seule face aux démons qui la rongent et fantômes qui la hantent. Elle mériterait d'avoir à subir une existence ou deux de solitude. Et pourtant, Elyon est accompagnée la majorité du temps, en bonne meneuse. Plus jeune, elle s'entourait de caïds et petites brutes qui exécutaient ses ordres et lui rendaient des comptes, le sourire jusqu'aux oreilles, l’œil hagard, la queue battante comme celle de chiens. Aujourd'hui, elle s'entoure d'une petite bande de mercenaires soigneusement sélectionnés : sa petite troupe, qui l'accompagne sur les primes les plus complexes et s'exécute au moindre de ses caprices ou désirs. Elle leur accorde une pseudo-affection symbolique qu'ils savent tranchante. Elyon est traître, comme un cours d'eau se terminant en chutes mortelles. Elle se fiche royalement de l'existence des personnes qui l'entourent et se révélera peu scrupuleuse à l'idée de leur planter un couteau dans le dos si cela s'avère nécessaire. Seule sa personne importe, et sa survie primera toujours sur celle des autres.
La confiance d'Elyon est un privilège rare et difficile à obtenir. Les hommes se battent pour l'obtenir, pour grappiller un rien d'attention. La chasseuse n'accorde de crédit qu'aux actes et gestes, les belles paroles et promesses ne lui important que peu. Elle ne supporte ni la trahison, ni le mensonge de la part de ses interlocuteurs.

Elyon a été éduquée comme un garçon, dans un monde masculin. Elle a pris le caractère de cochon de son père et la beauté sombre et insidieuse de sa mère. Elle est une personne que l'on aime, quand on ne la hait pas, quand on ne la craint pas. Il n'y a que peu de demie-mesure avec elle. Son comportement plaît, ou débecte. Noir ou blanc. Les teintes de gris sont inexistantes dans son monde. On apprécie ou on méprise sa franchise, son humour graveleux, ses piques acerbes. On apprécie ou on méprise cette femme qui rit grassement, une bouteille de bonne bière à la main. Cette même femme qui plantera une lame dans la main du premier malandrin ayant eu l'indécence d'une remarque déplacée ou non. Elyon est brute de décoffrage, directe au point d'en être cinglante. Elle mène sa vie à coup d'excès. Elle vit et crève à la fois. Elyon cannera tôt, elle en a parfaitement conscience, et c'est ce qui la motive davantage à faire ce qui lui plaît sans se soucier des conséquences et éventuels dommages collatéraux. Chaque jour est une nouvelle partie de roulette russe ; elle s'est montrée chanceuse jusqu'alors.

Elyon est ce qu'il y a de plus naturel dans l'humanité. Elle est une âme farouche, brute, qu'aucun filtre ne bride ni ne brime. C'est du moins ce qu'elle s'efforce de croire. Car au fond, la jeune femme ne vaut pas mieux que les fugitifs qu'elle traque et les Dués qu'elle envoie bouffer les pissenlits par la racine. C'en serait presque tragique, si ce n'était pas aussi ironique.

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