Dimanche. Mon jour de repos habituel. Jour durant lequel je profite pour être une énorme larve et procrastiner comme jamais. Depuis l'arrivée de la Lune Rouge, sortir se balader n'était pas vraiment conseillé, au cas où des Beasts attaqueraient, alors les choix d'occupations restent relativement peu variés. Affalée dans le canapé, débraillée, décoiffée, fumant tranquillement, je profitais du calme de l'appartement. Rufus dormait sur le lit, et Lilim étudiait sur la table, dans une concentration et un silence que je ne pouvais qu'apprécier. Un coup d’œil à l'horloge m'indiquait qu'il n'était pas loin de dix-neuf heures trente. D'ici peu de temps, ma fille devrait réclamer à manger, ce qui impliquait de devoir se lever. Je soupirais rien qu'à cette pensée, qui s'envola avec la fumée de ma cigarette. Soit. Dans un effort surhumain, je me mis à rouler du canapé et me relever, avant d'aller vérifier l'avancée de Lilim dans ses devoirs.
« - Alors, ça avance ? - Les maths sont compliquées cette fois. - Bon courage alors. Tu veux quoi pour manger ? - Merci maman. De la viande s'il en reste, s'il te plaît. »
Je traînais des pieds jusqu'au frigidaire, et constatais après l'avoir ouvert qu'il n'en restait plus. Qu'il ne restait quasiment rien, en fait. Je levais les yeux au ciel, déjà soulée de la tâche à venir : se réapprovisionner en vitesse. Mais d'abord, s'habiller serait un bon départ. Sortir par ce temps menaçant, prêt à pleuvoir, en T-Shirt/tanga, ce n'était clairement pas la meilleure idée du monde. Direction ma chambre, je pris au passage une chemise noire qui traînait, ainsi qu'un jean de couleur identique. J'arrangeais mes cheveux au passage, ayant cette fois la flemme de les attacher. Pratique sur ce point, mon pouvoir … Sans prendre la peine d'en faire plus, j'enfilais mon manteau, prenant un parapluie au cas où. Ce manteau avait bien une capuche, mais une règle stupide précise que même en temps de pluie, on ne doit pas cacher son tatouage. Meh. Revenant dans le salon, je lançais à Lilim :
« - Y'a quasiment plus rien à manger, donc je vais nous ravitailler. Surveille Rufus, je reviens dans vingt minutes. - D'accord. A tout à l'heure. »
J'en profiterais pour me racheter des cigarettes, tiens. Par mesure de précaution, je fermais la porte à clé derrière moi, avant de descendre dans la rue, un sac vide à la main. Un regard levé vers le ciel m'indiquait que l'air était lourd. A tous les coups, juste pour m'emmerder, Dame Nature va se décider à faire pisser les nuages quand je rentrerais, hein ? Tch. Je sortis une nouvelle cigarette et l'allumais, direction le petit magasin ouvert à toute heure du quartier. Heureusement qu'il existait, il nous a sauvé l'estomac plus d'une fois, et il continuerait sans doute à le faire. Je finissais de nourrir mon futur cancer devant l'entrée, avant d'entrer et de saluer de la tête le propriétaire. Clopes, pâtes, riz, champignons, crème, poulet, porc, bœuf, bière … Cela suffirait pour quelques jours. Je profitais de cette sortie pour passer chez le boulanger, un peu plus loin, afin d'acheter un flan pour Lilim. Elle avait sans doute bien travaillé aujourd'hui, cela lui fera plaisir.
Petit coup d’œil sur l'heure : vingt heures. J'avais pris un peu plus de temps que prévu. Et alors que je venais de sortir de la boulangerie, comme prévu, la pluie décida de pointer le bout de son eau, pour mon plus grand plaisir.
« Fait chier. »
Blasée sous mon parapluie, je pressais le pas afin de rentrer le plus vite possible. J'avais faim, moi aussi. Cinq minutes plus tard, j'arrivais devant notre immeuble, et j'y trouvais une silhouette familière en train de fixer la fenêtre de notre appartement. Fine, petite, l'air un peu « ailleurs », des cheveux longs noirs … Je soupirais longuement avant de me rallumer une énième cigarette, maintenant que j'étais plus ou moins à l'abri de la pluie, qui s'était mise à tomber drue.
« Je peux savoir ce qu'elle a, ma fenêtre, Noah ? »
Mains dans les poches, le parapluie refermé et accroché autour de mon avant-bras avec le sac de courses, je fixais la jeune femme de manière interrogative. C'est qu'elle avait le sens d'orientation d'une moule et une certaine tendance à faire des trucs un peu étranges parfois, mais je doute qu'elle soit si mauvaise qu'elle perdrait son chemin pour rentrer chez elle. Du moins, je l'espère pour elle, la pauvre.
« Reste pas plantée là, sous la pluie. Tu me raconteras pourquoi t'étais plantée devant chez moi aussi raide qu'un lampadaire. En plus, tu ressemblais à une créature de film d'horreur comme ça, je suis sûre que t'as fait peur aux vieux du dessus. »
Je la fis entrer dans mon appartement.
« Lilim, j'ai récupéré un animal paumé sur le chemin du retour, viens dire bonjour. »
Ma fille savait pertinemment ce que je voulais dire par-là, et vint toute sourire accueillir l'étudiante, pendant que je rangeais les courses. Je me demandais vraiment ce qu'elle allait me sortir cette fois pour justifier sa présence.
Cooking MamaNoah Miller & Morrigan Sidhe Il paraît que la vie est faite de petites surprises qui la rendent plus belles. Noah était plutôt d'accord avec cette maxime d'habitude. Mais actuellement, ce n'était pas le cas. Recroquevillée contre le lavabo de sa salle de bain, la brune releva la tête. Dans son miroir venait d'apparaître une horrible image: son reflet. Outre les énormes cernes qu'elle avait habituellement, elle semblait encore plus mal en point que d'habitude. Son teint, normalement légèrement bronzé, tirait plus sur le gris que sur le beige. Ses yeux vitreux criaient à l'aide, et tout son visage semblait refléter une situation de détresse intense. Elle baissa la tête et se pencha vers l'évier. Puis vomis. Avant de se laisser tomber au sol et de s'étaler comme une larve. Elle ferma alors les yeux, attendant patiemment l'heure de sa mort tandis que son ventre faisait des bruits de plus en plus étranges. Mélange entre gargouillis et gémissement de plainte, si l'on considérait qu'un ventre pouvait gémir. Elle lui ordonna mentalement de se taire -ce qui d'ailleurs, échoua-.
Sérieusement, elle aurait du faire plus attention en cuisinant. A commencer par cuire la viande. "T'es une humaine, Noah, pas une louve. Il faut cuire la viande avant de l'ingérer. Sinon voilà ce que ça donne." La brune ouvrit les yeux pour découvrir le museau noir de son anima devant son visage. L'air moralisateur, mais un peu amusé. Elle voulut lui répliquer qu'elle savait bien, mais que lorsqu'on ne savait pas utiliser une poêle, il fallait se débrouiller comme on pouvait. Elle tenta d'ouvrir la bouche mais fut prise d'une nouvelle nausée. Elle laissa tomber la réplique cinglante pour Cosmos, et referma les yeux dans un signe d'abandon. Le loup soupira et se détourna du cadavre humain gisant au sol. Franchement, sacrés humains.
Les minutes passèrent, et certainement les heures aussi. Noah, toujours en position latérale de sécurité, avait l'impression que le temps durait une infinité et que son agonie ne cesserait jamais. Evidemment, elle exagérait. Cela faisait à peine 10 minutes qu'elle avait rendu l'âme. Et son poulet. Sa vie défilait sur ses paupières closes. Elle se rappelait de tout ces succulents sandwich au pain et au jambon (et parfois avec du beurre quand elle pensait à en acheter) qu'elle avait avalé à peu près...tout les jours. Pourquoi avait-elle voulu tenter le diable en cuisinant ? Pourquoi ne s'était-elle pas contenté de ses habituelles sandwich ? Le résultat était couru d'avance, après tout... Ses souvenirs continuèrent de défiler, repensant à toute la nourriture goûteuse qu'elle avait pu avaler au cours de sa misérable existence, et dont elle n'avait pas assez profiter. Et puis soudain, un visage s'imposa à son esprit comme une solution évidente. Elle ouvrit les yeux brusquement, se releva comme une flèche et courut prendre sa veste et mettre ses basket. "Tu vas où ?" Alors qu'elle s'apprêtait à sortir de son appartement, Cosmos, une oreille en l'air, lui demandait où elle partait. "Confier mon destin à la seule personne qui peut me sauver." Elle disparut de la pièce sans entendre l'énième soupire de l'anima.
La jeune fille courait dans la rue, déterminée à arriver à destination. Elle avait de la chance, elle savait parfaitement comment s'y rendre. Ce qui était rare. En moins de vingt minutes, elle était arrivée à bon port -elle avait quand même réussit à faire un détour alors qu'il suffisait d'aller en ligne droite-. Son voyage s'était déroulé sans encombres, à un détail près: elle n'avait pas de parapluie. Et il pleuvait de manière non négligeable. Du coup, ses cheveux trempés ressemblaient encore plus à rien que d'habitude, ce qui lui donnait un air un peu étrange. Pour changer. Noah se planta devant l'appartement en face d'elle et reprit son souffle. Courir sous la pluie juste après avoir fait une sévère indigestion, c'était quand même difficile. Puis, elle se mit à réfléchir, fixant la fenêtre de la bâtisse qui l'intéressait. Une horrible douleur à l'estomac lui tira une grimace. Mon dieu, c'était horrible. Elle n'en pouvait plus. Il fallait vraiment qu'elle rentre et qu'elle lui demande de... "Je peux savoir ce qu'elle a, ma fenêtre, Noah ?" Comme pour faire écho à ses pensées, une voix familière la tira de ses pensées. Elle se retourna pour découvrir la personne en face d'elle. Son visage s'illumina. Les yeux grands ouverts, elle avait envie de pleurer. Elle n'avait pas prévu que Morrigan lui fasse cet effet, mais vu les circonstances, la femme lui était apparue comme une Sainte. "Amen." Ca n'avait absolument aucun sens. Mais Noah était trop mal en point pour réfléchir et dire des choses sensées. Déjà que de base, elle n'était pas très normale.
En m'approchant de l'étudiante, il est vrai que j'avais remarqué son teint et sa mine particulièrement affreuse. C'était clairement devenu un zombie, pour ainsi dire. Je ne sais pas ce qu'elle avait fait, ou pas fait, pour en arriver là, mais une chose était sûre : c'était plutôt grave. Et en plus, elle était trempée, n'ayant visiblement pas pris le soin de sortir un parapluie. Vu le regard et le mot qui franchit ses lèvres en me voyant, quelque chose me disait que j'étais le miracle qu'elle espérait voir survenir. Cette fille était désespérante. Parfois, je me demandais comment elle faisait pour survivre. Des théories filaient dans mon esprit pendant que nous montions les marches, jusqu'à ce qu'un bruit d'estomac, dont le sound design pourrait faire le doublage d'un zombie tant il était fort et donnait l'impression que son estomac se tordait et gémissait de façon rauque à l'intérieur d'elle. Pénurie de nourriture ? Lilim vint lui faire un petit câlin suite à mon appel.
« Moi ça va, mais toi, tu n'as pas l'air très bien. Tu vas bien, hein ? »
Elle s'inquiétait sans doute profondément, et il y avait de quoi.
« - Lilim, va lui chercher une serviette et le sèche-cheveux, avant qu'elle n'inonde mon parquet. - D'accord. »
La petite revint vite avec ce que je lui avais demandé, et elle le tendit vers Noah, avant de s'asseoir à côté d'elle, s'amusant à l'imiter en s'affalant en avant. Je haussais les épaules et continuais de ranger, jusqu'à entendre mon nom d'un air dramatique. Je me retournais pour regarder Miss Cadavre, bras croisés, cigarette en bouche. Un de mes sourcils s'arqua en entendant ses paroles.
« Mourir, hein ? T'exagères pas un peu ? Vu ta dégaine, même une Beast ne voudrait pas te bouffer. »
Je finis le rangement, laissant sorti le poulet et le bœuf, que je posais sur la table, juste sous le nez des deux filles.
« - Lilim, poulet ou bœuf ? - Oh, du poulet ! »
Je pris donc la viande bovine pour la ranger dans le frigo, laissant la volaille sortie. Heureusement que j'avais choisi une barquette un peu plus grande que d'habitude … Je m'installais face à la quasi-morte, la regardant d'un air nonchalant.
« Laisse-moi deviner … Ca fait trois jours que tu n'as pas dormi parce que tu étais encore plongée dans un bouquin ? Ou bien tu n'as plus rien à manger chez toi, et tu n'as jamais trouvé le magasin le plus proche ? Ou alors ... »
Je pris un air narquois, presque moqueur.
« Tu as enfin trouvé quelqu'un qui ne t'as pas laissé l'occasion de te reposer, hmmm ? Un garçon ? Une fille ? »
Je surveillais un tant soit peu mon langage devant Lilim. Elle n'avait que onze ans, et même si elle était dans la période où les jeunes s'éveillent à tout ça, je préférais éviter d'avoir à répondre à des questions sur les nuits de folie que j'avais en tête en vannant Noah. Naaah, ça ne pouvait clairement pas être ça.
« Pour tes vêtements, je te filerai mon peignoir. Tu les feras sécher en attendant. Mon parquet n'apprécie guère la flotte. »
Je ne pouvais pas vraiment lui prêter d'habits, compte tenu de nos tailles et morphologies différentes. Si elle était petite et mince, j'étais bien plus grande et svelte. Et puis, un peignoir était sans doute plus confortable, compte tenu du temps dehors et de la température en baisse. Je vérifiais l'heure également, jaugeant si Noah ferait mieux de rester ici pour la nuit ou non. D'un côté, elle devait sans doute avoir cours le lendemain, de l'autre, je n'avais CLAIREMENT PAS envie de devoir me lever un matin pour la guider jusqu'à l'université. Je soupirais, constatant que ma cigarette se terminait. Il y avait encore le temps, je réfléchirais à tout ça plus tard. Mon regard se concentra à nouveau sur l'étudiante, dont le poulet à une dizaine de centimètres de son visage semblait passionner au plus haut point. J'avais bien entendu son ventre tout à l'heure, mais de là à être complètement hypnotisée par la volaille … J'espérais juste qu'elle n'était pas en train de se l'imaginer faire des trucs louches, du genre danser sur le bar avant de l'aguicher et de se jeter dans la poêle. Si c'était le cas, eh bien, elle était définitivement irrécupérable.
Cooking MamaNoah Miller & Morrigan Sidhe Lilim semblait s'inquiéter pour Noah. A sa question, celle-ci hocha la tête pour signifier que, oui, tout allait bien. Et puis après une fraction de seconde de réflexion, elle se rendit compte qu'en fait non. Ca n'allait pas du tout bien. Alors elle secoua la tête. Cela créa un mouvement de rotation étrange. Comme si elle essayait de dire oui et non en même temps. Elle décida d'abandonner, communiquer juste par des gestes s'avérait beaucoup trop compliqué.
Lilim partit chercher de quoi sécher la brune, et revient avec une serviette et un sèche cheveux avant de s'installer comme Noah, avachit sur la table. Cette dernière ignora les remarques désobligeantes de Morrigan. Elle n'avait de toute façon pas la force de répliquer, et savait très bien que dans une mini joute verbale entre les deux femmes, Noah n'avait strictement aucune chance. "Lilim, poulet ou bœuf ?" "Oh, du poulet !" Noah ne prêtait pas attention à ce qui se passait autour d'elle. De ce fait, elle n'entendit pas le dialogue entre Morrigan et sa fille. A un mot près. Poulet. En entendant ce mot tabou, elle sursauta légèrement, et ses yeux grands ouverts lui donnait l'impression d'être possédée. Mais comme elle était toujours la face contre la table, personne ne remarqua son état un peu bizarre. Dans sa tête se déroulait un tragique dialogue avec elle même. Pourquoi ? Pourquoi fallait-t'il que ce satané poulet la suive même jusque chez Morrigan ? Elle qui pensait être à l'abris, elle qui pensait être sauvée...
"Tu as enfin trouvé quelqu'un qui ne t'as pas laissé l'occasion de te reposer, hmmm ? Un garçon ? Une fille ?" Une énième remarque de la barman lui fit relever la tête. Noah la regarda, un sourcil levé, la bouche légèrement ouverte, dans une expression d'incompréhension certaine. "...Quoi ?" Elle cligna des yeux. Une fois. Deux fois. Trois fois. avant de rougir brusquement et de secouer la tête. Le sous-entendu de Morrigan avait finit par se frayer un chemin dans sa petite tête, et elle avait enfin percuté. Sauf que non, pas du tout, ce n'était pas du tout ça. Il n'y avait aucun garçon, aucune fille, aucun bouquin ni aucun magasin dans l'histoire. Loin de là. Au contraire, c'était bien plus grave encore. Et puis de toute façon, Noah avait le charme et le charisme d'une huître, alors le jour où elle se dégoterait quelqu'un, ce sera un vrai miracle. "Ah non... non non pas du tout !" Et puis son regard se porta sur la viande en face d'elle. En sentant l'odeur de la viande crue, elle eu un haut le coeur. Décidément, le monde entier était contre elle. Elle se souvient alors d'un des plus grands enseignements qu'elle avait apprit dans sa vie. Une maxime qu'elle avait toujours trouvé fabuleuse mais qu'elle n'avait jamais eu l'occasion de mettre en oeuvre. C'était une des premières choses qu'avait dit Timon à Simba lorsqu'ils s'étaient rencontrés. "Si le monde entier te persécute, tu te dois de persécuter le monde." - Le Roi Lion, premier film. La brune ferma les yeux et rassembla ses forces. Elle ne pouvait pas se laisser dominer par quelques morceaux de poulet, elle ne pouvait pas se laisser vaincre de la sorte. Il fallait qu'elle lutte, qu'elle combatte, qu'elle prenne sa revanche.
Noah attrapa la serviette pour se la passer atour de la tête afin de sécher ses cheveux. Puis, d'un air déterminé, son regard jongla entre la nourriture et Morrigan. "Je vais tout vous expliquez." La brune souffla un coup. Prête à raconter sa terrible histoire. Elle émit quand même une réserve. "Mais vous promettez de pas vous moquer de moi hein ?" Elle jeta un regard suspicieux aux deux filles à côté d'elle. Au fond d'elle, elle savait bien que ça ne servait à rien et qu'elle n’échapperait pas à quelques remarques. "Bref. Tout a commencé tout à l'heure. J'étais chez moi et je commençais a avoir faim. Comme à peu près tout les soirs. Et donc, habituellement, quand j'ai faim, soit je grignote un truc soit je me fais un croque-monsieur. Sauf qu'aujourd'hui j'avais décidé de changer mes habitudes culinaires et d'essayer de cuisiner. Genre...cuisiner pour de vrai. Et comme il me restait une tranche de poulet, je me suis dit que ça pouvait être une bonne idée de la manger. Sauf que voilà, j'ai essayé d'allumer le gaz pour le faire cuire et je n'ai pas réussis. Du coup ça m'a énervé et..." Noah marqua une pause. Puis finalement avoua. "J'ai mangé le poulet crus..."
Aaah, pauvre Noah … Cette fille avait un côté crédule vraiment marrant à titiller, car ses réactions étaient toujours très spontanées et, de mon point de vue, plutôt comiques. Même ses expressions faciales valaient le détour. Sa mine, combinée à la tronche qu'elle me tirait en ayant entendu ma plaisanterie sur une éventuelle personne qui partagerait son lit lui donnait un côté de fantôme tout droit sorti du folklore asiatique. Son incompréhension étirait de plus en plus mon sourire, tandis que je m'empêchais comme je le pouvais de ricaner. Après tout, elle n'était pas venue ici pour souffrir, il semblerait même que ce soit le contraire. La voir rougir était plutôt mignon et innocent. Enfin, aussi mignon et innocent qu'un zombie pouvait l'être. Noah se mit à dénier en bloc, ce à quoi je ne pus m'empêcher de retenir un petit rire étouffé.
Je l'aimais bien, cette fille. Un peu trop innocente et pure pour ce monde, certes, mais elle avait grâce à ça un petit côté rafraîchissant. La moindre des situations possibles pouvait devenir une aventure, avec elle, la preuve une fois encore avec cette soirée. Je captais le haut-le-cœur qu'elle eut lorsque ses yeux se posèrent sur la viande posée sous son nez, et c'est alors que je commençais à comprendre, ou du moins d'avoir une théorie sur la raison de sa visite improvisée. Je m'installais face à elle, bras croisés, attendant qu'elle finisse de se sécher les cheveux et qu'elle commence son récit. Lilim l'observait aussi, sans doute un peu inquiète de voir sa « grande sœur » aussi bizarre. J'attendais patiemment qu'elle se décide, son regard faisant des allers-retours entre le poulet et mon visage. J'espérais qu'elle ne s'imagine pas que j'étais un poulet, parce que si c'était le cas, la perdition de cette fille touchait le fond. Et finalement, elle se mit à parler, une certaine détermination dans sa voix, soufflée par une hésitation soudaine. Ne pas se moquer ? Quelque chose me dit que ça allait être difficile.
« - Tu me connais, me moquer des gens, c'est vraiment pas mon style. - Moi je ne me moquerai pas, promis ! »
Au moins, Lilim était là pour amortir ma probable explosion de rire. Si mes propos étaient ironiques, ceux de ma fille étaient sincères. Je me tus, pinçant un peu mes lèvres en prévision de l'énormité que j'allais entendre. Ecouter Noah raconter ses mésaventures, c'était un peu comme aller voir un film ou une pièce de théâtre comique. Ses expressions, les termes qu'elle utilisait, sa façon de parler … Tout y contribuait. Je prêtais une oreille attentive à ce qu'elle disait, comprenant au fil de son incroyable épopée le problème. Et plus je comprenais, plus mon air sérieux se transformait en une mimique plus amusée, mon sourire s'étirant petit à petit, l'humidité gagnant mes yeux. Je tentais de masquer mon hilarité intérieure à l'aide de ma main, stratégiquement placée devant ma bouche, faisant mine de tousser un peu pour contenir l'éclat de rire qui commençait à arriver. Donc, Noah ne savait pas allumer sa gazinière ?
« Snrk... »
Impossible. Impossible de ne pas rire. Mais voilà, le karma me rattrapa : en tentant de ne pas me moquer ouvertement en retenant mon hilarité, je m'étouffais et me mis à tousser violemment, les yeux pleurant un peu, mélange entre l'effet que me faisait la confidence de l'étudiante et la détresse respiratoire. Je me retournais un peu, le temps de me calmer. Lilim, elle, fit un câlin à la jeune fille et tentait de la rassurer.
« C'est pas grave, tu sais. Même si tu ne sais pas faire la cuisine, je t'aime quand même. Mais fais attention avec la viande crue, tu peux attraper un truc pas bon pour toi … Tu me promets que tu ne le referas plus ? »
Je me calmais finalement à la fin de leur échange.
« Pfouh, excuse-moi. C'est, euh … plutôt contraignant. Enfin bon, t'en fais pas, on a assez de viande pour trois, ton ventre sera rempli ce soir. »
Je m'essuyais les yeux, sous le regard désapprobateur de ma fille. Je tapotais doucement la tête baissée de honte de mon étudiante préférée.
« C'est bon, Lilim passera la serpillière plus tard. »
Nouveau regard outré, bouche ouverte.
« - Mais … Pourquoi moi ? - Parce que je vais être occupée avec elle. »
Je montrais de la tête Noah. Un gémissement de plainte se fit entendre.
« J'irai t'acheter un gâteau. »
Plus de plainte.
« Bon allez, suis-moi, toi. Il faut qu'on parle. »
Je fis signe à la pauvre hère au ventre agonisant de me suivre vers la salle de bain. Une fois dans la pièce, je fouillais le meuble sous l'évier pour en sortir le peignoir que je lui avais promis de lui prêter pour ce soir, faute de pouvoir lui filer un de mes habits.
« Sérieusement, de la viande crue ? Tu sais ce que tu peux choper en faisant ça, j'espère ? L'E. coli, c'est un peu une vraie plaie. Je doute que t'aies envie de passer ta vie sur le trône, entre autres, mmmh ? On va faire quelque chose. Déjà, on va commencer par t'apprendre à allumer une gazinière, hein, parce que ça c'est juste pas possible. Cuire de la viande à la rigueur, d'accord, tout le monde ne sait pas forcément le faire. Mais allumer sa gazinière … Ensuite, je vais te faire cuisiner le poulet. Et tu prendras des notes, histoire que tu ne zappes pas d'ici trois jours, Miss Poisson Rouge. »
Je lui tendis le peignoir avec un petit sourire, amusé mais chaleureux, chose relativement rare pour être notée.
« Y'a des fois, tu me désespères plus que n'importe qui. Mais c'est pas plus mal. »
Cooking MamaNoah Miller & Morrigan Sidhe Noah terminait de raconter son histoire sous les regards de Morrigan et Lilim. La première souriait de plus en plus, au fur et à mesure que la brune racontait sa mésaventure. Le sourire se transforma bientôt en larmez de rire, et même si Morrigan essayait de se retenir, Noah avait bien remarqué son hilarité. La brune lui lança un regard noir, heureusement qu’elle avait demandé de ne pas se moquer d’elle ! “C'est pas grave, tu sais. Même si tu ne sais pas faire la cuisine, je t'aime quand même. Mais fais attention avec la viande crue, tu peux attraper un truc pas bon pour toi … Tu me promets que tu ne le referas plus ?” Lilim enlaça Noah pour la rassurer. Cette dernière lui sourit. Morrigan avait autant de tact et de compassion que Lilim avait de méchanceté et de médisance (Lilim était donc une crème et Morrigan du béton). La petite fille était absolument adorable (au contraire de sa mère), et à la voir s’inquiéter comme ça, Noah ne pu s’empêcher de culpabiliser un peu pour cette histoire de poulet. Elle lui ébouriffa finalement les cheveux pour la rassurer à son tour. “Oui, promis ! Ne t’en fais pas, de toute façon je ne compte pas recommencer…” La petite paru satisfaite tandis que la barman était en train de s’étouffer dans son propre rire. Noah songea que c’était bien fait pour elle, elle n’avait qu’à ne pas se moquer. Elle voulut le lui faire remarquer, mais Morrigan prit la parole à sa place, lui annonçant qu’il y avait assez à manger pour elles trois ce soir. Nouvelle qui ravit l’étudiante au plus au point. Elle commençait à avoir vraiment faim, et au moins ici, elle était sûr de bien manger.
Elle reposa sa tête sur la table, l’air attristé, avant de pousser un long soupir. Elle était arrivée à un point où elle se désespérait elle-même. Elle se demanda un instant si son cas était grave. C’était la première fois qu’elle se remettait vraiment en question, qu’elle se demandait si sa manière de faire était vraiment la bonne. Jusqu’ici, elle n’avait jamais eu le moindre problème, mais depuis la Lune rouge, depuis qu’elle vivait seule… Elle faisait de plus en plus de conneries. Puis, Morrigan lui tapota la tête, ce qui eu l’effet de faire disparaître tous ses doutes. Rien ne servait de se laisser abattre, ce n’était pas son genre. Il y eut un dialogue entre Lilim et sa mère, Noah écouta silencieusement. D’un côté elle était contente de ne pas avoir à passer la serpillère, de l’autre elle redoutait un peu ce que Morrigan avait à lui dire. Elle n’avait aucunement envie de subir une leçon de moral. En plus Lilim allait avoir un gâteau. Elle aussi, elle voulait un gâteau.
Morrigan lui fit signe de la suivre jusqu’à la salle de bain. Noah obtempéra sans rien dire. Arrivée là-bas, la barman prit la parole. “Sérieusement, de la viande crue ? Tu sais ce que tu peux choper en faisant ça, j'espère ? L'E. coli, c'est un peu une vraie plaie. Je doute que t'aies envie de passer ta vie sur le trône, entre autres, mmmh ? On va faire quelque chose. Déjà, on va commencer par t'apprendre à allumer une gazinière, hein, parce que ça c'est juste pas possible. Cuire de la viande à la rigueur, d'accord, tout le monde ne sait pas forcément le faire. Mais allumer sa gazinière … Ensuite, je vais te faire cuisiner le poulet. Et tu prendras des notes, histoire que tu ne zappes pas d'ici trois jours, Miss Poisson Rouge.” Noah sera les dents. Bien qu’elle s’était attendu à quelque chose de ce genre, elle n’était tout de même pas prête psychologiquement. Une fois que Morrigan eu finit, la brune fit la moue. Elle pouvait vaguement concevoir que son attitude était dangereuse, certes. Mais était-ce une raison pour dramatiser autant ? Bon d’accord, sûrement. Elle arriva de justesse à retenir un soupir. La cuisine ne l’avait jamais intéressé, et elle était venue ici dans l’optique de manger, pas d’apprendre à manger. Et en plus de ça il fallait prendre des notes… des notes ! Noah ne notait que les choses d’une extrêmes importances, tous les petits détails mathématiques, physiques, historiques, artistiques qu’elle trouvait incroyables. L’idée même de souiller un de ses carnets de notes avec une recette de cuisine la désespérait. Mais avait-elle le choix ? Elle émit un grognement, mécontente. Puis finalement abdiqua. “Grumpf… oui je sais… d’accord.... Mais c’est vraiment parce que c’est toi qui me le demande… Et je suis vraiment obligée de prendre des notes ? Tu sais je peux m’en souvenir sans problème.” Elle était en effet capable de s’en souvenir sans problème. Elle était capable de se souvenir de tout, d’ailleurs. Elle oubliait juste volontairement ce qu’elle jugeait inutile. Et jusqu’à aujourd’hui elle avait jugé toute leçon de cuisine inutile.
Elle attrapa le peignoir que lui tendait la femme. Noah enleva son t-shirt et son pantalon pour l’enfiler, ne pouvant nier que c’était beaucoup plus agréable de porter quelque chose de sec. Elle essora ses vêtements dans le lavabo avant de demander à Morrigan où est-ce qu’elle devait les mettres pour qu’ils sèchent. Et bien elle réalisa une chose. Si Morrigan lui apprenait à cuisiner, cela voudrai dire qu’elle serait capable de se débrouiller toute seule pour manger. Et par conséquence direct, elle n’aurait plus besoin de venir squatter ici. Sur visage afficha un air paniqué pendant une fraction de seconde. Noah se reprit vite. Elle se tourna vers la femme, l’air à présent déterminé. “Par contre….” Sourire énigmatique. “J’accepte, mais à une seule condition…!”