Allongé sur le canapé, une clope coincée entre ses lèvres, comme à son habitude. Fuyuki rêvasse, flâne, réfléchit. Et oui, tout arrive.

Il réfléchit à son pouvoir, à ces changements qui sont survenu, chez lui, chez les autres.
Il ne pouvait s’empêcher de penser que, même si certain avait complètement déraillé et alors que d’autres sont persécutés par le pouvoir en place, finalement, ce n’était pas plus mal que la lune rouge ait donné un grand coup de pied dans la fourmilière. Bousculer les anciennes castes qui, à l’époque, n’étaient pas nommées ainsi et qui, pourtant, en était bel et bien.
Celles d’aujourd’hui ne sont pas plus équitable ou juste, mais elles ont le mérite d’avoir redistribué les rôles.

Ses pensées furent interrompues par l’éclat d’un verre brisé qui n’inspira à Fuyuki qu’un simple soupire, matérialisé par la fumée de sa cigarette.

« Putain Nap’, tu pourrais faire attention... »

L’homme se redressa alors, portant une main à sa tignasse pour la recoiffer ou plutôt pour ébouriffer un peu plus encore. De son pouce et son index, il vint finalement pincer le mégot du tube de nicotine pour lui faire terminer sa course à travers le goulot d’une cannette de bière au fond de laquelle une mélasse de cendre et de plastique flottait déjà.

« Eh ! C’est pas de ma faute, d’accord ? C’est… la terre, elle tourne et… bah du coup, le verre n'était pas stable et… »

Fuyuki ne pouvait s’empêcher de rire en entendant les excuses invraisemblables du suricate qui ne tarda pas à afficher une mine renfrognée.

« Au lieu de te foutre de moi, t’aurais pas oublié quelque chose par hasard ? »

L’homme se figea, son regard commençant à vaciller de droite à gauche, indiquant qu’un profond remue-ménage avait lieu dans sa mémoire. Puis…

« Merde ! L'entraînement ! Lylaï va me tuer… encore. »

A peine le temps de saisir son perfecto au vol que Fuyuki s’échappa à grandes enjambées en direction de l’appartement de sa coach personnelle en gestion de pouvoir post lune rouge.
Depuis leur rencontre, ils avaient pris pour habitude de se retrouver deux à trois fois chaque semaine pour que la jeune femme enseigne à Fuyuki la gestion de son pouvoir, du mieux qu’elle le pouvait en tout cas. Malgré les nombreux mois qui s’étaient écoulés, Fuyuki avait toujours des difficultés à maîtriser ses transformations, même s’il lui arrivait moins souvent de les subir contre sa volonté.

Après une course aussi courte que possible pour parcourir la distance entre chez lui et le lieu de rendez-vous, Fuyuki finit par arriver au pied de l’immeuble de Brooklyn dans lequel résidait la demoiselle. Plus que quatre étages le séparaient d’une très probable séance de douloureux exercices assaisonnés de remarques cinglantes. Il commençait à y être habitué et pourtant, ça ne l’empêchait pas de réitérer les mêmes erreurs, ce con.

Enfin, il arrivait plus qu’à bout de souffle devant la porte de l’appartement. Il prit à peine le temps de frapper deux coups sur celle-ci qu’il s’était déjà permis d’entrer, ne voulant pas perdre plus de temps qu’il n’en avait perdu. Il prit appui contre un pan de mur et baissa les yeux au sol, essayant de retrouver une respiration plus calme.

« Je… pff… je suis désolée, j’ai pas vu l’heure… et… et y a Nap’ qui a encore.. encore fait le con juste quand-... »

Il releva les yeux vers Lylaï au beau milieu de sa phrase et s’arrêta sur l’instant. Il pensait croiser un regard de feu, comme seule la jeune femme savait lui en offrir, mais ce ne fut pas le cas et, justement, c’est ce qui le dérangeait le plus à ce moment précis. Son visage était planté devant un document que Fuyuki ne pouvait pas identifier de l’endroit où il était. Ce qu’il voyait, en revanche, c’était l’expression sur le visage de Lylaï et cette expression le poussa à se taire et à s’approcher lentement, visiblement inquiet pour son amie.

« Eh… Tout va bien ? »