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Lamia A. Stern ♠ C'était une sensation au creux de toi, de celles qui restent – l'odeur des cendres et de l'épicéa.
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Dim 9 Juil 2017 - 6:40
Lamia A. Stern
    • King / Lord
      29 ans
      Eros
      Américain
      Aisé
      Brooklyn
      Célibataire
  • # Le bazar du bizarre


    #Métier

    Lamia est mercenaire (aka. Enterre des gens toujours contre une belle somme d'argent), et recruteur d'éros (aka. recrute des personnes ayant du potentiel en trainant dans des endroits souvent louches.) C'est un peu le big boss du game, avec Damocles.



    #Spécialités

    Frapper des gens … Cramer des gens … Tuer des gens … Convaincre des gens d'en tuer d'autres … Déclencher des alarmes incendies … Etre viril … Se faire mater par des damoiselles … Perdre sa virilité lorsque sa soeur l'appelle "chaton" … Faires des petits animaux en flammes, pour elle … Se faire repayer des frigos par Matthews … Se faire repayer des vêtements par Matthews … Se faire repayer la moitié de son appartement par Matthews.



    #Faits en vracs

    I. Déteste l'ordre et vénère le bordel, tant qu'il ne lui empêche pas de voir la couleur du sol. II. Lance régulièrement des paris à propos de qui - entre le tabagisme et son activité d'eros - le tuera en premier III. Hermétique à toute forme d'humour. IV. A tendance à faire pooper des pop-ups de fesse sur n'importe quel appareil susceptible d'en afficher (portable...). V. A déjà cogné quelqu'un pour l'avoir appelé Lama. VI. Pareil pour quelqu'un lui ayant conseillé un coiffeur. VII. Aime faire croire que son manteau est en fourrure de Beasts. VIII. Ne peut pas résister à une glace vanille / pistache. IX. A tendance à grogner plus qu'à parler. X. Ne pense clairement pas au cul malgré sa poisse légendaire à être associé à ce genre d'histoire.


    # Winter is coming


    #Physique

    Référence … Mikoto Suoh, K projet ♥
    Cheveux … Mi-longs, dans une sorte de brun-roux-sienne ébouriffé qui se teinte souvent de rouge.
    Yeux … Une nuance de vert sombre tirant sur le brun.
    Couleur de peau … Irrémédiablement blanc.
    Taille … 1m87. Histoire de passer facilement inaperçu, avec les cheveux bruns-rouge (est ce que c'est une couleur naturelle au moins ?)
    Poids … Aussi lourd qu'une de ses rares tentatives d'humour - 93 kilos. Et c'est du muscle. Avec les tablettes.
    Style vestimentaire … Lamia s’habille de manière soignée, mais sobre : des hauts noirs ou blancs, un jean (souvent ébène) et un collier légèrement informe tombant jusqu’à ses hanches – qu’il adore sans que personne ne comprenne vraiment pourquoi. Ajoutez-lui une veste noire avec un col en fourrure pour les jours d’hiver, et une clope entre les lèvres : vous dessinerez le portrait de son quotidien.
    Autre … Un tatouage tribal sur son avant-bras droit, et un anneau autour du haut de l’oreille sur le même côté.



    #Famille

    Parents … Un père mort pendant une opération militaire lorsqu'il avait dix ans, une mère morte d'un AVC quatre années avant la lune rouge. RIP.


    Frère / soeur … Une petite soeur de quatorze ans, Athalée Andréa Stern. Une petite gazelle rousse, fragile et aérienne. Absolument adorable en outre - mais Lamia préfèrerait se faire castrer que de l'avouer.


    Enfants … Autant Lamia adore ceux les enfants des autres, et se montre paternaliste avec les personnes qu'il aime autant l'idée de créer un mini-quaïd sur New-York lui donne la nausée. Donc, comme on dit, sortez couvert.


    Mari / femme … ... Matthews ?


    Animal … Matthews ? Un adorable renard du nom d'Onyx, depuis deux ans. Il l'avait trouvé dans une vieille ruelle en ruine du Bronx, et n'avait pas réussi à empêcher la bestiole de le coller. Heureusement, Onyx prend souvent quelques jours de voyage avant de revenir à l'appartement.


    Autre… Nieh.


    # Questions


    #Que pense-t-il de la lune rouge ?

    Lamia ne perçoit pas nécessairement la Lune Rouge comme une calamité. Il dirait, en règle générale, qu’elle « a fichu un sacré bordel », mais pense que cet évènement a majoritairement contribué à révéler et amplifier des problèmes humains que la précédente société dissimulait. Du reste, il ne s’interroge ni sur l’origine de la Lune Rouge, ni sur son avenir. Elle gouverne le ciel, maintenant : autant s’habituer à sa présence et vivre avec…



    #Que pense-t-il du gouvernement de Maxwell ?

    Lamia serait plutôt acerbe à ce sujet, et répondrait – après avoir cramé une ou deux breloques – que le gouvernement de Maxwell a, selon lui, permis d’éviter quelques catastrophes (notamment en éradiquant les Beasts) mais alimente beaucoup trop le clivage entre les castes. L’homme ne ressent ni une nécessité urgente de destituer le gouvernement, ni de le protéger. Quant au fait qu’il soit actuellement un eros… Il répondrait simplement que les dués l’emmerdent vraiment avec leurs actes terroristes.



    #Que pense-t-il des pouvoirs ?

    Peu de choses, à dire vrai. Lamia considère les pouvoirs comme une arme qui peut, selon l’individu et les causes servies, être plus ou moins bien exploitée. Bien qu’il ne le maitrise pas entièrement (et qu’il ait brûlé sa maison trois années plus tôt), il s’est habitué à sa pyromanie et l’apprécie même dans les moments où il se doit de montrer toute l’autorité nécessaire. En revanche, lorsque quelqu’un utilise son pouvoir sur lui, il tend à s’énerver encore plus vite qu’à l’accoutumée…



    #Que pense-t-il des castes ?

    Pour Lamia, le système de caste renforce beaucoup trop les clivages et les injustices – qu’il haït plus qu’il ne pourrait décrire. Il rejette totalement l’idée des tatouages et aimerait pouvoir abolir, ou atténuer au maximum, les effets des castes sur les individus, particulièrement ceux qui subissent d’être Philia.



    #Que pense-t-il du statut des hybrides ?

    Même chose que précédemment. Les hybrides devraient pouvoir vivre comme tout le monde, à partir du moment où ils ne massacrent personne.



    #Que pense-t-il du statut des éros ? De Damoclès ?

    ... *Petit clin d'oeil en coin.*

    # After the moon


    #Anima

    Nom… Rune.


    Espèce… Salamandre terrestre.


    Sexe… (Tous les jeudis soirs) Femelle.


    Autre… Rune semble particulièrement présente dans la vie de Lamia. Elle communique aisément avec lui par télépathie, et n'hésite pas à affirmer ouvertement son existence avec le monde extérieur. Elle a été blessée par un dué à la queue.




    #Son caractère

    Rune, elle possède la sensibilité d’une nuit effarée. Elle discerne le monde avec une vision bien plus paisible que celle de Lamia et avait toujours adoré, en un souffle, s’approprier les couleurs du crépuscule. Malicieuse, elle se joue des hommes avec légèreté, et manie le mensonge aussi bien que la manipulation – impossible de déterminer lorsque Rune se fiche d’une personne, ou lui parle sincèrement. Malgré cette fourberie, elle ne souhaite jamais blesser et sait redevenir sérieuse, spécialement pour empêcher Lamia de commettre une erreur. Si elle avait été femme, elle aurait sans doute été l’une de ces séductrices azurées aux voiles de moires qui disparaissent dans l’obscurité après avoir attisé le désir. Elle avait ainsi toujours aimé la nuit, Rune – bien davantage que le jour. Et elle représentait, pour Lamia, cette confidente, cette amie, cette protectrice qui avait toujours su trouver les paroles appropriées. Pour le faire rire, par exemple, elle avait appris à se dresser sur ses pattes quelques secondes en imitant un mini-dragon, puis à se lover au creux de ses doigts alors qu’un sourire cristallin transperçait les ténèbres.
    Car elle aime lorsque Lamia sourit. C’était sa manière à elle d’être heureuse.



    #Pouvoir

    Nom du pouvoir… Pyrokynésie


    Niveau de contrôle ★★★☆☆


    Effets secondaires Dragon Slayer. Lamia tousse souvent de la fumée, et ses cheveux s'enflamment lorsqu'il s'énerve. Attention aux plafonds bas.


    Mutation Pompier (in)volontaire. La peau et les cheveux de Lamia semblent immunisés à toute brûlure. Le reste aussi, à priori - enfin, il n'a jamais essayé de brûler de l'intérieur.


    Description Chaud-devant ! Lamia peut créer et contrôler des flammes dans un rayon de 5 mètres autour de son corps.


    # Who you are


    T’as cette espèce de haine au bord des lèvres Lamia quand tu vois quelqu’un qui crève de faim, t’as cette envie de crâmer le quartier tout entier puis de t’allumer une clope, comme si tu voulais résoudre la violence par la violence, comme si tu te demandais si c’était pas toi l’enfoiré au final, si t'étais pas juste un sombre connard ~



    Car en ton cœur ne résidaient ni conscience, ni esprit, ni pensée. Il y avait seulement du lithium et de la pierre aride, du volcan mur, de l’impatience, de l’alcool, de la colère nauséeuse et une esquisse d’aliéné.



    Lamia, Lamia… Lamia, c’est une sorte de violence fiévreuse, de fureur mal maitrisée, qui s’était enracinée au creux de sa peau jusqu’à devenir indissociable de son sourire. Le monde semblait avoir dessiné dans son corps cette même colère qui avait toujours imprégné l’histoire de New-York – et, plus récemment, celle de la lune rouge. Une colère de ventre-marbre et de tombes closes. Une colère explosive, impulsive, qui ne connaissait aucune forme de regret ou de rancœur.



    Il comprenait New-York, Lamia. Il en connaissait mille paupières, depuis la lueur opaline et bien collée des lampadaires jusqu’aux silhouettes décharnées des anciennes barricades de police. Pendant ses années les plus sauvages, il avait des centaines de fois descendu les rues de Brooklyn et de Manhattan, avec une aisance souple et désintéressée qui reflétait mal les violences de la ville ; mais, lorsqu’une voix s’élevait contre sa présence nonchalante, il n’hésitait jamais à se battre – de ses poings comme de ses lèvres. Il avait toujours été doué pour blesser les autres, quelle que soit l’arme utilisée…



    Bien avant qu’elles n’explosent sous le bitume, il avait ainsi connu et exploré les blessures de la ville : les rancoeurs comme les colères, les terreurs et les ombres. Et il avait enduré pendant des années les cris silencieux des opprimés – ces cris qui semblaient s’être exprimés pour la première fois lors de la lune rouge, lorsqu’ils avaient reçu le pouvoir de détruire.



    Lamia avait également toujours haï les injustices. Sous son regard vert, opaque, il ressentait avec une intensité folle toutes les cruautés que les hommes – et non le monde – pouvaient infliger aux plus faibles. Ses gestes arides, marqués par une humeur sanguine qu’il ne savait contrôler, dissimulaient en réalité le tempérament d’un homme droit et loyal. Il utilisait ainsi ses forces autant à conserver sa fierté qu’à protéger celle des autres ; il agissait pour les siens, de gestes marqués par un orage féroce que l’incertitude avait déserté depuis longtemps. Et il n'abandonnait jamais ses convictions, particulièrement pour défendre sa sœur, un enfant, ou Rune.



    Lamia aurait pu devenir dué tout comme il aurait pu être agape, sans que cette différence – à priori fondamentale – n’altère la cohérence de son identité. Il possédait en réalité une assurance vertigineuse, une conscience pleine et pure de lui-même qui se cimentait dans un présent déconstruit qu’il s’appliquait à solidifier un peu plus chaque jour. Pour lui, il était impossible de reconstruire sur des souvenirs. Il détestait parler du passé et ne se permettait jamais de regretter sa vie ‘’humaine’’ ; lorsqu’il repensait à ses anciennes déambulations nocturnes, à ses missions de policier ou à l’ombre des lunes opalines qui gouvernaient New-York trois ans plus tôt, il avait l’impression de marcher sur des cendres. Et il les brûlait de ses mains, quand le geste lui permettait d’avancer – comme s’il brûlait des souvenirs… Ce caractère vif et assuré le poussait souvent à agir sans réfléchir aux conséquences, parfois même au détriment de l’instinct de survie le plus primaire. Il vivait ainsi, Lamia : avec la nonchalence d’un homme sachant que, peu importe combien le monde déraillerait, il saurait toujours arpenter les mêmes rues sans regret. Et, même si celles-ci étaient devenues ruines lorsque la lune rouge avait épouvanté New York, il continuait à y exister avec la cohérence qui était sienne.



    Puisqu’il avait compris que son monde, derrière ses impeccables apparences, s’était transformé en un étau de cruauté et de mensonges.


    Where the lonely one roads.



    Enfin, il était fier, Lamia. Il vivait, ou survivait, avec la même intensité qu’une personne se sachant condamnée ; il possédait une énergie sanguine et rebelle que personne n’avait jamais réussi à calmer – à part Rune et peut-être, sous certains aspects, Matthews. Ses actes, souvent impulsifs et arides, empêchaient quiconque de lui dicter ses choix ; d’une parole assassine, ou d’une lutte parfois, il écrasait les brutes qui pensaient assujettir les autres entre leurs mains glaciales. En réalité, Lamia ne s’attardait jamais sur les motivations des hommes, mais jugeait leurs décisions indépendamment de tout contexte. Il estimait ainsi que chacun devrait pouvoir dompter les tempêtes en son cœur, en maitriser les ocres et les oranges brûlés, avant que le monde ne se renverse en une pluie d’acides et de lames parce que les hommes auraient été incapables de simplement survivre.



    (Mais il savait depuis longtemps, peut-être toujours, que les terreurs et les violences qui avait envahi New-York ne venaient pas de la lune, mais des hommes. Et il masquait les tempêtes que la lune rouge avait semé dans son cœur comme dans celui de chaque homme.)



    Cette force s’esquissait en lui comme un tatouage, une conviction intime que portaient le creux de ses reins et l’imposait au regard du monde comme un homme charismatique et puissant – un leader. Son courage, sa fierté, ses colères feutrées qu’il laissait éclater sans vraiment y songer… Tout semblait l’inscrire dans ce surnom qu’il haïssait tant, « Lord ». Mais il savait que, si quelqu’un parvenait à percer cette illusion opaline, il discernait sans peine son engagement envers cette conviction et cette volonté presqu’absurde de reconstruire le monde pour protéger les plus faibles. Cette volonté d’avancer, inlassablement. Cette volonté qui lui permettait de rassembler derrière lui camarades et alliés, malgré son tempérament.



    Puisque pour Lamia, les choses demeuraient toujours, et à tout instant, à naître.





    xxx Colérique xxx Violent xxx Sanguin xxx Nonchalant xxx Energique xxx Protecteur xxx Loyal xxx Courageux (voire inconscient) xxx Justicier sur les bords xxx Charismatique xxx Sociable mais souvent énervant xxx Assuré xxx Fier xxx Déterminé xxx Orgueilleux xxx Têtu xxx Ne connaît pas le mot subtilité...


    # Mouaaaa


    Bloup ♥ Mon pseudo usuel sur le web est Shalynia, mais vous pouvez m'appeler Lamia. Je suis une jeune et insupportable garce de dix-neuf ans, et, malgré le fort taux de testostérone de mon bonhomme (♥), je suis de sexe féminin (uniquement le jeudi soir). Pas d'autres compte pour le moment mais ça tourne déjà dans ma tête herm. Je suis apprivoisable avec des glaces et des pancakes. Sinon : vous êtes bow, vos prédefs sont bow, le design est bow, et je vous aime d'amour ♥

    (Je ne m'excuse pas pour la longueur de cette fiche.)
    (Je m'excuse en revanche pour les passages pourri et la sur-abondance de certaines expressions, comme "grève".)
    (Des bisous :3)
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    Anonymous
    Dim 9 Juil 2017 - 6:40
    Histoire
    Comment résumer quelque chose de toi, Lamia ?

    Comment résumer quelque chose de ton cœur ? Comment comprendre celui que tu étais devenu lorsque tu avais saisi la main de Damoclès et que vous aviez combattu ensemble les échos du monde ?

    Et puis comment décrire cette impression étrange, cette conscience sanguine que tu semblais depuis déployer autour de toi comme dans les creux d’une fleur ? Comment en dessiner l’odeur, en former les contours ? Comment expliquer celui que tu étais devenu, Lamia (toujours loyal malgré tes colères) et à quel point tu désirais protéger les tiens ?

    Plus jeune, tu aurais voulu devenir le rempart du monde, mais désormais tu étais celui de la ville. De tes proches, des éros – de Damoclès.
    Et derrière tu protégeais toujours cette fine fleur nommée Athalée, dont tu avais bercé les premiers jours avant qu’elle ne s’envole (tu te souvenais du soir où elle avait ouvert ses lèvres ; elle ressemblait au feulement d’un cygne dont les ailes se composeraient de milles sourires malicieux.)

    Tu n’aurais jamais avoué que tu puisses être sensible, Lamia, mais je le savais.
    Je t’avais vu naître dans la nuit avec les rires d’une femme, et tu avais grandi en moi comme en une autre – avec une pudeur que chacun possède lorsqu’il s’agit d’imaginer le reflet de soi formé par la création d’un personnage à l’extérieur de la chair. Je ne pouvais plus te résumer à une simple peinture. Sous mes mains, tu étais devenu un tatouage. Un tatouage dont je paraissais avoir peaufiné chaque courbe de cygne, jusqu’à ce que ton souffle se synchronise au mien et que ton regard transperce les ténèbres auxquelles je t’avais attaché. Impossible d’écrire sur un mort. Jamais ma chair n’a-t-elle été aussi vivante que la tienne, dans cet univers.

    (J’aurais ainsi voulu t’entendre plus facilement, j’aurais voulu être capable de t’écrire comme on écrirait une brise, ou peut-être un sourire ; un simple reflet du monde qui semblait s’être égaré dans le creux du miroir.)

    Alors, voilà… Plutôt que de conter ton histoire, je voudrais conter celle de ton monde. Ou de la manière dont il avait essayé de te briser.

    (Sache qu’il existe quelque chose de beau et de dangereux en toi, Lamia –  quelque chose qui semblait avoir saisi tes lèvres avant que le monde ne les embrasse. T’écouter, c’est sentir se graver sous sa peau les stigmates de la mémoire passée, et revoir des lieux que nous avions fui depuis longtemps ; t’entendre, c’est se souvenir qu’il existe une tempête là où nous prétendions qu’il n’y avait rien – rien d’autre sinon nous. Une tempête qui semblait se nommer aurore …)

    Et je me souviens encore de ce jour. J’aurais voulu te dire que j’étais près de toi.
    La première fois que tout s’était achevé, tu avais dix ans.

    Tu avais vécu une enfance tranquille, pendant tes dix premières années. Tu montrais déjà les prémisses de ton tempérament sanguin ; tu avais appris les tempêtes de la ville, et tu restais souvent silencieux, collé à l’asphalte, pour clore tes pensées sur l’intérieur de toi-même. Tu préférais te battre avec les autres que de jouer avec, mais ta mère te considérait néanmoins comme un « bon gamin ». Et puis, comme tous les gosses, tu aimais la neige. Un sourire ornait tes lèvres quand ses caresses blanches envahissaient la ville, puis tu t’élançais sur la grève et ne rentrais que lorsque le froid saisissait tes os – et il ne semblait jamais pouvoir atteindre la chaleur de ton cœur.

    Ce jour-là, - ce jour où tout s’était brisé - tu l’avais détestée.
    Peut-être parce qu’elle demeurait blanche malgré le noir de ton cœur, peut-être parce qu’elle ressemblait à des bulles de verres – rondes et translucides – que tu aurais voulu éclater contre les murs du cimetière sans pouvoir les saisir.

    (Tu connaissais ces murs par cœur, tu marchais devant chaque matin et chaque soir, mais tu avais la sensation de les voir pour la première fois. De les entendre, comme s’ils hurlaient leur désolation. Derrière les pierres, tu apercevais les sommets des candélabres et des mausolées écorcher le ciel, et tu sentais un peu plus cette douleur qui devenait tienne.)

    Tu avais refusé d’entrer dans le cimetière, et personne n’avait su t’y forcer, malgré les prières de ta mère. Tu l’avais attendue en cillant la neige, alors que le silence étouffait peu à peu les lueurs de New-York.

    Avant ce jour, tu n’avais jamais souffert de l’absence de ton père, Lamia, mais une flamme nouvelle meurtrissait lentement le creux de tes reins. Un reflet du monde, ou peut-être de toi-même… Je sentais s’esquisser en toi des colères cruelles que l’enfance te dissimulait encore. Et tu te souvenais de ces soirs où, lorsque tu avais dompté l’hiver, tu observais secrètement les médailles de ton père pour écouter les murmures de ses victoires passées. Tu voulais devenir militaire, comme lui. Tu en ignorais toujours les raisons, mais tu éprouvais une sorte de satisfaction étrange lorsque tu t’imaginais fouler les plaines du Moyen-Orient de tes pas d’adulte ; tu sentais les muscles puissants rouler sous ta peau puis cascader contre tes os, tu sentais ton cœur grandir au rythme des bombes et des vies que tu sauverais lorsque les hommes seraient enfin à perdre et en perte. Lorsque le monde se réduirait finalement à un combat. En dehors de tout monstre, de toute prière ; en dehors de toi.

    (Ce jour-là, tu avais décidé de haïr tes souvenirs. De les combattre. Il ne restait alors plus qu’une minuscule tempête au creux de toi – une mémoire de sable.)

    Tu avais attendu un long moment que ta mère sorte enfin du cimetière. Et elle était belle lorsqu’elle avait passé ces deux grilles noires, finalement, belle comme ton père l’avait connue quand elle était plus jeune, les larmes tirées au coin de ses prunelles bleutées où cascadait encore une mèche rousse que le soleil avait rendue blonde. Elle avait embrassé ton crâne. La brise ébouriffait son chignon défait alors qu’elle glissait sa main dans la tienne et que sa peau semblait ranimer ta chair d’enfant déjà morte. Il te semblait que ton père mourrait un peu plus encore dans son silence  – comme si le sable avait enseveli délicatement ses os, un à un. Et tu sentais qu’il ne resterait bientôt de lui que des cendres bouffées par les vers... une chair morte où sailliraient encore les empreintes de ses combats stériles.

    Plus tard, tu lui en voudras longtemps de n’avoir su trouver les mots, et d’avoir laissé ce moment au silence plutôt qu’aux larmes et aux pleurs.

    (Mais ta mère voulait seulement, tu sais, sentir contre toi ta main malade et rire de tes maladresses pour te pardonner un jour de lui ressembler tant.)

    Même après l’enterrement, tu n’avais jamais visité ton père.
    Tu n’étais en colère ni contre lui, ni contre sa mort, ni contre la guerre qui te l’avait ravi – comme elle ravissait des hommes à leur foyer depuis plus d’un siècle.
    Tu étais en colère contre le reste du monde.

    C’était le feulement douloureux des coquelicots, les pierres volcaniques du cimetière dans ton dos, le crépitement des vagues que la grève avait plaqué contre la terre, puis les photographies, les sourires subtils, le sable battu de l’Afghanistan qui maculait encore votre hall d’entrée. Et puis tes cheveux rouges, si semblables aux siens. Le souvenir d’un soir et la lueur d’un vendredi soir, où il était revenu plus tôt de la guerre et t’avait embrassé en riant.

    Pendant quatre années, tu avais appris à grandir sans ton père – et, cette fois-ci, tu ressentais la cruauté de son absence.

    Lorsque tu étais rentré au lycée, tu avais déjà décidé que les conventions usuelles et les bienséances pouvaient aller se faire foutre. Tu chérissais la liberté, Lamia (plus que je ne saurais le décrire). Tu la chérissais à l’orée de ces nuits de diamant où les spectres de la ville te paraissaient plus vivants que jamais – dans les néons et les pancartes des boutiques abandonnées. Tu aimais hurler plus fort que chacun, dans le creux du monde comme dans celui de ton corps. Et l’exprimais physiquement, aussi (tu te battais toujours.) Tu rentrais chaque soir avec plus d’égratignures que le précédent, et ta chair paraissait se clore sur elle-même lorsque tu choisissais de défier des caïds – encore aujourd’hui, tu en portes les marques. Jamais tu n’avais pensé aux souffrances de ta mère ; tu semblais simplement te réduire à l’intérieur de tes genoux écorchés, à cet ouragan qui saisissait tes mains lorsque tu serrais les poings pour cogner un autre que toi. Tes phalanges étaient ouvertes continuellement, et tu peinais à écrire avec les croûtes formées sur tes doigts – mais tu accueillais cette douleur en toi comme le reflet de la souffrance que tu infligeais, simplement pour calmer les reproches que murmurait ton cœur.  

    Une nuit de tes quatorze ans, tu étais rentré tard. Tu étais sorti, comme presque tous les soirs, avec le petit groupe que tu avais formé autour de toi – Oswald, Isalys, Aaron parfois, et deux jumeaux dont le temps avait finalement effacé les visages. Avec eux, tu t’étais imposé comme un leader naturel et ta voix se perdait sur les parvis de New-York – puis plaquait vos hanches contre le sol. Tu passais pour un « type cool », Lamia, avec ton look de motard un peu vintage, tes cheveux ébouriffés en roux de sienne, et les vestes en cuir que tu déchirais ; beaucoup de tes camarades rêvaient d’imiter les innombrables conneries que tu réalisais avec ta bande…

    – Casser la gueule au videur pour rentrer dans un bar, peindre sur les murs, lancer des pierres sur les immeubles des quartiers riches, boire, fabriquer des pétards, fumer, provoquer des petits groupes de voyous, explorer des bâtiments abandonnés, fumer encore… –

    Et ce soir-là, vos rires paraissaient avoir paralysé les lucarnes des verrières.

    Vous arpentiez les rues à la seule lueur de vos portables, quand les reflets ambre des lampadaires ne parvenaient plus à éclairer l’asphalte. Autour de vous, la ville dormait presque, mais votre chair n’avait jamais paru aussi éveillée…
    Ta voix vous guidait aux frontières de la belle New-York, comme elle le faisait toujours, Lamia.  Vous aviez pénétré l’enceinte d’un commissariat pour y graver à l’acrylique le portrait de Donald Trump.  

    (Tu te souviendrais longtemps de l’entrée que tu surveillais ; des persiennes aux lueurs de jade où se découpaient la forme de fleurs japonaises, et des petites lanternes pour éclairer le noir. Comme si la nuit avait besoin de lumière pour être sublime – comme si elle avait besoin de se révéler.)

    Vous aviez fui lorsque vous aviez entendu la voix des policiers.
    L’obscurité se suspendait à vos chevilles tandis que vous vous couliez aux ombres de la ville ; vous vous étiez, comme toujours, dispersés dans des ruelles différentes de New-York, puis vous aviez envoyé un sms pour confirmer que les « poulets » ne vous avaient pas attrapé (Oswald n’avait pas répondu). Vous riiez, lorsqu’ils avaient pointé leurs flingues sur vous. Le vent fouettait vos cheveux de sel et une graine d’amertume avait éclot dans votre cœur pour souligner l’incandescence de votre jeunesse. Une incandescence sauvage — comme pour masquer les manques du monde un peu trop mécanique qui vous entourait.

    Puis, comme tous les soirs, le crépuscule autour de toi t’avait oppressé.
    C’était d’abord une sensation subtile, liée à l’obscurité, puis l’impression que les ténèbres avaient saisi ta gorge et tes poumons. La nuit te paraissait longue, osseuse. Poisseuse comme si l’univers se coulait soudainement autour de tes pieds d’adolescents et te clouait dans la vision cauchemardesque qu’avait laissé un père absent. Près de toi, chaque immeuble pouvait se transformer en un tertre de craintes et de ténèbres. (tu ne ressentais rien de tout cela, Lamia, puisque tu ne semblais pas pouvoir éprouver la peur et que ta tristesse s’était depuis longtemps muée en colère, mais cette oppression paraissait parfois saisir tes gestes et les rendre plus violents encore.)

    Ce soir-là, tu avais quitté la nuit plus vite qu’à l’accoutumée.
    Tu avais fui, sans l’avouer – puisque tu croyais toujours combattre.
    Tu avais rapidement fermé la porte, puis tu avais monté les marches de l’immeuble – un peu trop vite, encore une fois.

    Ta mère t’attendait dans le salon, et la nuit semblait s’être rétractée à l’intérieur de sa chair pour capturer tout l’ambre de ses yeux. Elle fredonnait un rythme que tu ne connaissais pas. Lorsque tu avais refermé la porte derrière toi, elle avait murmuré « il faut qu’on parle », et ses mains s’étaient repliées autour de son ventre comme on protégerait un cocon – un espoir. Tu n’avais pas compris – tu ne comprenais jamais. Mais ses mots avaient soudainement figé quelque chose de la colère que tu portais en toi, puisque tu avais toujours su que tu n’étais plus celui que tu voulais être. Celui que tu aurais dû être.

    Tu avais expliqué que tu étais rentré tard, comme tu le faisais souvent. Que tu n’avais pas bu (tu mentais), mais que tu aimais parfois besoin de te retrouver seul ou dans un café avec tes amis (tu mentais encore), que tu adorais marcher et que tu aimais sentir cette solitude que la ville, dans ses splendeurs anonymes, tissait sur ta peau et au travers (tu ne mentais pas). Ta mère avait plusieurs fois essayé de t’arrêter, puis elle s’était levée avant de poser sa main sur ton épaule et de murmurer :

    — Lamia, je suis enceinte.

    Ce jour-là, tu t’étais juré de protéger ta sœur.
    Tu ne connaissais pas son père, mais tu t’en fichais. Lorsqu’elle était née, tu avais senti couler sous sa peau pâle le même sang que le tien. Ce sang aride, blanc, aussi clair qu’une étoile.

    Et rapidement, Athalée était devenu le sourire qui avait illuminé les grèves lointaines de New-York. Le sable coulé au creux de tes doigts et la sève de ton cœur, une étoile creusée sur la terre et un corps enfantin que tu te plaisais – malgré toi – à border lorsque la nuit fermait ses paupières. Tu avais appris à raconter des histoires, pour ta sœur. Tu avais appris à lentement laisser couler le monde en toi, à travers toi… et, par-dessus tout, à dompter ta colère en sa présence.

    Et c’étaient désormais des pierres mates pleines de volcans qui roulaient à tes pieds, d’immenses femmes aux joues de doliprane, des cathédrales de silence. L’univers, à toi qui n’avais jamais aperçu que tes propres lèvres.

    Tu avais grandi. Tu t’étais retrouvé.
    Grâce à elle, en partie.

    Tu avais lentement abandonné tes rêves de carrière militaire pour t’orienter vers la police – pour ta sœur, encore une fois. Tu continuais, souvent, à te comporter comme un imbécile, et à chercher domination sur les autres pour ne jamais assouplir ta conscience ; mais, derrière tes limbes de tempêtes et de flammes, dissimulé par la colère, tu découvrais lentement le feu qui t’animerait lorsque tu deviendrais un éros. Tu sentais l’homme que tu serais quelques années plus tard, Lamia. Cet homme que j’avais protégé en mon sein jusqu’à ce qu’il puisse s’élever en lui-même et dans le cœur de chacun.

    Cet homme, qui, finalement, avait acquis le pouvoir non de brûler les autres, mais de transformer ses proches en choses belles, en choses vivantes. Tu ressuscitais la chair, Lamia.

    Après trois années, tu avais obtenu un diplôme – un peu par miracle –  puis tu avais intégré une école de police en trois ans – un peu par miracle également. Tu avais appris à aimer le calme et c’était désormais le silence qui semblait s’étendre au creux de tes lèvres, cette fièvre féline et absolue quand tu entrais dans un bar. Tu n’étais plus une terreur, mais un prédateur. Un jeune homme qui, derrière ses manières brusques, se révélait loyal et charismatique. Et, lorsque tu allumais une cigarette pour la porter à tes lèvres, lorsque tu redressais le col de ton éternelle veste de cuir, et que tu murmurais « Je ne parlerais pas de mon passé », tu commençais à attirer les femmes. Comme une lueur dans la nuit. Une faible luciole que la vie avait coloré en noir – mais tes mots, eux, demeuraient flammes.

    Tu n’avais jamais compris l’amour pourtant, Lamia.

    J’aurais voulu te l’expliquer. Te montrer cette façon dont le monde se noie dans les iris des amantes et dans le ventre des femmes, jusqu’à se cristalliser sous les paupières. Te dessiner la beauté d’une chambre où règnerait sa présence ; celle d’un sourire, lorsque les montagnes de l’Alaska se gravent au creux de ses reins et que les embruns du Pacifique brument sa chevelure (tu n’écoutais pas). J’aurais voulu que tu comprennes que l’amour peut photoshoper les corps et les couleurs. Que l’amour aurait pu te transformer. Mais tu vivais avec une droiture et une fierté qu’aucune tempête, aussi dévastatrice soit-elle, ne pouvait altérer. Tu avais toujours détesté l’idée du couple, et il te semblait que les amoureux s’épuisaient à esquisser des couleurs dans un univers où la nuit était naturellement reine. Tout cela te paraissait absurde ; délavé.

    Bien sûr, tu avais connu des femmes, Lamia – mais tu ne les aimais pas. Tu les possédais comme on possède un écrin de nacre, et tu adorais soumettre leur chair sous tes doigts. Jamais tu ne leur avais offert ton corps dans sa définition la plus intime (je le savais) mais tu aimais à te perdre dans leurs souffles erratiques et leur peaux hâlées par le miel – une larme qui s’était posée au creux de leurs paupières. Tu te sentais mâle. Sauvage (et jamais le moindre soupir n’avait-il effleuré tes propres lèvres.) Tu n’avais jamais conservé une relation pendant plus de quelques soirs, après tout ; tu en expérimentais quelques instants les couleurs, puis tu confiais à l’obscurité le secret de tes passions nocturnes lorsque tu abandonnais un corps pour en dompter un autre. Cette vie te convenait. Impérieuse, comme toi. Insaisissable, aussi. Dénuée d’échos.

    Ophélia avait tout flingué.
    Le jour où tu l’avais rencontré, elle s’était imposé dans ta vie comme un rire ; le soleil d’été hâlait sa peau d’une odeur de caramel et d’épices séchées. Tu avais 21 ans et tu l’aimais.
    Un peu maladroitement, à ta façon.

    Aujourd’hui encore, tu te souvenais d’elle comme tu ne te souviendrais jamais d’aucune de tes autres conquêtes. L’aridité du temps avait effacé ta mémoire mais la chair d’Ophélia semblait avoir inlassablement avoir imprégné la tienne ; ces nuits-là, elle te fascinait. Elle te capturait, en un sens, comme si elle cristallisait ton corps dans une bulle de souvenirs – et tu sentais le fauve bouillir sous ses longs cils. Pourtant, Ophélia n’avait pas abandonné sa fierté pour toi… et tu n’avais pas davantage oublié la tienne. Vous étiez devenus deux lunes entières et sauvages. Votre couple s’était rapidement réduit à une vague schizophrène et bleutait vos paupières lorsque vos lèvres se trouvaient incapables de se rapprocher ou, au contraire, de se séparer. Et tu l’aimais. Pas comme un dingue, mais déjà plus que tu ne l’avouerais jamais…

    – Ses cheveux courts et roux qui semblaient se parer d’ambre au soleil. L’infinie opaline de ses paupières. Le grain de ses lèvres, que tu parvenais parfois à effleurer sans le dévorer. Ses souffles erratiques, si proches de sa peau. La courbe délicieuse de ses hanches, son teint rehaussé, sa poitrine, ses soupirs… Son rire, quand tu déchirais la gangue de cristal dans laquelle elle le protégeait. –

    Un soir pourtant, Lamia, tu avais merdé.
    Comme tu avais toujours été doué pour le faire…
    (J’aurais voulu embrasser tes mains ce jour-là, te clouer au matelas pour que tu ne sortes pas. Pour que tu restes clos, à l’intérieur de toi-même comme pour les tempêtes de celle que tu aimais.)

    Depuis une semaine, Ophélia s’était métamorphosée (tu en souffrais.) Une lueur d’orage, douce comme un embrun, avait lentement grisé ses prunelles bleutées, et ses souffles s’étaient stigmatisés dans l’ambre (elle ne parlait plus.) Tu ne la reconnaissais pas ; tu sentais simplement s’étendre sous ta peau les hématomes d’une relation que tu ne comprenais plus. Plusieurs fois, la jeune femme avait violemment claqué la porte de ton studio et s’était laissée à déambuler dans les longues ruelles de New-York, les mains crispées sur l’écharpe noire que tu lui avais offerte. Lorsqu’elle revenait – si elle revenait -, elle ne parlait plus et ne se donnait pas davantage ; elle souffrait, comme si son instinct l’incitait à se préserver de toi. La jeune femme s’appliquait alors à te repousser, à avorter tes vaines tentatives de discussion et tes mots qui, aussi sincères et inquiets soient-ils, faisaient mal…

    Et mon dieu, comme elle te blessait, Lamia.
    L’insomnie avait peu à peu effacé ton sourire. J’aurais voulu embrasser les stigmates qui peuplaient tes joues et tes paupières jusqu’à ce que tu puisses enfin dormir…

    Parfois, tu avais la sensation de te décomposer.
    De te réduire à un ersatz de toi-même tandis que tes os s’ouvraient et crevaient ta colonne vertébrale, que les glaïeuls fleurissaient dans tes poumons. Tu suffoquais – et tu suffoquais encore davantage de ne pouvoir t’énerver contre elle. Autour de toi, le vide ressemblait à une empreinte – tu avais l’impression qu’Ophélia avait saisi la nuit et avait déchiré l’obscurité. (En restait quelque chose d’étrange dans les ténèbres, une sorte de malaise estival et sadique qui te troublait lorsqu’elle refusait que tu t’approches.) Tu ressentais à nouveau en toi ces sentiments que la jeune femme avait apaisé au début de votre relation. La colère. La frustration, la fureur. L’indignation, la rage, une certaine violence paisible…

    Un autre que toi.

    La première fois que tu avais ressenti l’envie de lui coller ton poing dans la gueule, tu étais sorti jusqu’à quatre heures et tu n’étais revenu qu’avec deux grammes d’alcool dans chaque bras. Puis tu avais recommencé, trois fois – toujours après avoir essayé de parler avec Ophélia.

    Evidemment, ton comportement n’arrangeait rien.
    Un soir, tu étais rentré saoul.  
    Ophélia dansait.

    (Elle t’avait ébloui, ce soir-là. Elle déjouait les abysses avec une fièvre folle tandis qu’elle élançait ses poignets vers un monde qui semblait lui appartenir entièrement ; les étoiles s’emparaient de sa silhouette ambrée à chacun de ses pas. Elle avait toujours été belle, Ophélia. Pas d’une beauté classique et docile, mais elle possédait quelque chose de plus sauvage qui, avec son parfum d’épice, semblait réveiller la vie lorsqu’elle respirait…)


    À cette seconde précise, tu avais compris à quel point Ophélia t’échappait (à quel point elle t’échapperait toujours).

    Tu n’avais même pas fermé la porte du studio. Tu avais simplement saisi ta compagne et l’avait poussée contre un mur avant de prendre son menton entre tes mains. Tu sifflais. Ta respiration erratique s’échappait entre tes lèvres ensanglantées et ton cœur désordonné cognait comme un colibri à l’orée de ta poitrine. Tu explosais (tout explosait brusquement en toi et te plaquait contre le sol, en un magma d’organe dont le cœur demeurait manquant). Tu savais que tu la perdais, et tu mourais. Plus lentement que n’était jamais mort aucun homme.

    — Putain Ophélia, tu me fais chier, t’es en train de me rendre dingue. Tu vas me dire ce qu’il t’arrive, merde ?

    Tu t’étais laissé emporter par cette rage intime et secrète que tu n’avais plus exprimé depuis sept mois, Lamia. Tu avais balancé ton point dans le mur. À quelques centimètres à peine d’Ophélia, de sa nuque, de ses insolentes mèches ambrées… D’elle.

    Tu avais compris lorsque tu avais ouvert les yeux.
    Son regard. La douleur, la tristesse. Le désespoir. La terreur.
    Tu avais laissé le silence clore votre tombe, puis tu t’étais enfui.
    Comme ta mère s’était enfuie avant toi lorsque ton père était mort.

    Pendant plus d’une heure, tu avais parcouru les ruelles de New-York en espérant que les ombres (ou ta fureur) te ravissent enfin à tes sentiments. Les lampadaires grésillaient autour de toi et un baiser sombre nécrosait peu à peu ton corps, depuis tes hanches jusqu’à tes omoplates figées par le froid. Tu te sentais comme une enveloppe de chair sans cœur. Un lac de veines et d’organes dont la surface réfléchissait mille éclats de noir. Lorsque tu étais parti du studio, tu n’avais pas fermé la porte derrière toi et il te semblait que le regard d’Ophalia s’était coulé sur ta peau. Comme si elle te suivait. Qu’elle était encore là, au creux de toi, avec sa couleur d’ambre et son odeur d’épicea.

    (Tu voulais juste redevenir toi. Lamia, l’irascible, l’enflammé, l’idiot suicidaire…Juste Lamia. Sans elle.)

    Au détour d’une ruelle, alors que tu trébuchais, l’autre fille était apparue comme dans un rêve.
    … Ou peut-être était-ce un cauchemar.
    Tu n’avais pas su fuir, cette fois encore. Tu t’étais contenté de l’observer.

    Et, vêtue de ses seuls talons rouges et de son vernis, elle semblait valser avec les ombres tandis que d’un pas elle s’approchait lascivement de toi puis glissait ses prunelles vertes dans les tiennes. Tu la sentais reine en ce monde où tu t’étais égaré. Son regard sarcastique avait chassé celui d’Ophélia (tu souffrais.)
    Et, lentement, l’alcool avait éveillé un incendie au creux de tes reins ; tu voulais posséder cette inconnue, la broyer – la déchirer, juste pour pouvoir encore contrôler quelque chose dans ce foutu monde.

    Non pas elle, mais rien d’autre que toi dans la nuit blanche.

    Après un court silence, un sourire avait paru s’enrouler autour de tes lèvres alors qu’une voix provocatrice naissait :

    — T’es une épave, mec. T’as l’air complètement démoli. Même si j’écartais les cuisses, je me demande si t’arriverais à bander…

    Ses mains s’étaient posées sur ton torse puis elle t’avait poussé contre le mur et t’avais embrassé, sauvagement. Elle sentait l’épicea et le rhum. Dans les murmures de la nuit, tu avais glissé tes doigts sur sa nuque fraiche tandis que ton corps s’appliquait déjà à saisir chaque fragment de celui qui se pressait contre toi (Ophélia). Tu avais chuchoté en grognant :

    — Tu te crois mieux que moi, salope ?
    — Va savoir…

    Alors tout avait explosé.
    La chaleur, la colère.
    L’inquiétude. L’attitude d’Ophélia.
    Les frustrations oubliées depuis sept mois.
    La santé fragile de ta sœur.
    La violence, l’indignation, la rage…
    La mort de ton père.

    Ce soir-là, tu avais pris cette inconnue bourrée contre le mur – encore, encore, et encore. Lorsque tu avais fini, il ne restait de toi qu’une bête, un fauve en souffrance enveloppé par une odeur d’épicéa et de rhum.

    Elle était déjà partie quand tu étais rentré.
    Tu n’avais pas cherché à la joindre. Tu n’avais pas appelée, ni laissé de messages sur son répondeur. Tu t’étais contenté de survivre, comme tu survivais toujours ; en ignorant les tempêtes.

    Le studio était redevenu froid autour de toi et tu suivais le quotidien avec une morne mal dissimulé. Tes rares sourires avaient déserté ton visage, mais tu ne souffrais que du manque de son corps. Comme toujours, tu avais déjà renoncé à parler du passé (mais le matelas, lui, conservait encore quelque chose du souffle de vos ébats.)

    Et puis, la tragédie, toujours. Comme elle semblait ne jamais pouvoir te lâcher. Le silence s’était étendu sur toi et il avait éteint l’ambre de tes yeux.

    Ta mère était morte deux semaines après son départ.

    Tu avais reçu l’appel bien trop tard, après une journée de formation. Le crépuscule saisissait déjà le ciel et tu sentais les baisers de l’automne s’attarder au creux de ta nuque. Les six appels manqués t’agaçaient, et tu avais redressé le col de ton éternel manteau avait de claquer ta clope sous tes talons et de marcher vers l’appartement. L’air glacial formait des bulles de verre autour de tes doigts et tu sentais le vent figer tes clavicules, comme si les immeubles de New-York ne parvenaient plus vraiment à vous séparer de l’hiver naissant. Tu aurais dû sortir, ce soir-là, mais tu tenais à saluer Athalée avant de partir.

    Tu n’avais pas compris que ces appels manqués présageaient du pire.
    Tu t’étais précipité sur ton téléphone lorsque tu avais trouvé l’appartement vide, après avoir aperçu votre voiture garée sur votre place de parking.
    (À cet instant, tu avais l’impression que New-York se consumait dans les flammes, dans ton cœur comme dans celui de chaque homme, et tu avais senti le monde se figer en une longue plainte mécanique. Maintenant qu’il fait tout le temps nuit sur toi, Lamia…)

    Puis tu avais pris les clés, et roulé bien au-dessus des limitations de vitesse.
    Lorsque tu avais finalement atteint l’hôpital, tu étais resté immobile quelques instants. Une mélodie funèbre semblait avoir saisi les lèvres des lampadaires et tu sentais des grèves lointaines (la colère, la terreur) se heurter contre ton cœur. Tout était trop blanc, autour de toi. Clair et froid comme du lithium ; et tu avais la sensation que son absence érodait lentement ta peau ; tu fulminais, tu suffoquais. Tu n’avais perçu aucun signe de sa maladie. Tu savais que ta mère s’essoufflait à éduquer ta sœur, mais…

    (Et brusquement tu imaginais sa main blanche et pâle, un baiser de spectre déposé sur ton crâne tandis que la vie s’enfuyait lentement d’elle, désertait les siphons et les cicatrices et les mille imperfections de  sa peau pour devenir aussi  claire que la lune…)

    Le légiste avait déjà annoncé l’heure de la mort.
    L’AVC l’avait tuée en quelques minutes.

    Tu avais laissé le corps et ramené ta sœur à la maison.

    Lorsque votre mère était morte, Lamia, tu avais connu le silence – plus intensément que jamais. C’était lui qui avait figé les portes de votre appartement dans l’asphalte, qui avait lentement clôt vos paupières, c’était lui qui avait étouffé les rires d’Athalée et son froissement de fleur sauvage. Le silence n’était pas né à l’extérieur. Il avait grandi dans votre foyer et dans votre cœur (en toi bien plus qu’en ta sœur, même si tu ne l’aurais jamais avoué.) Et, lorsque cette tempête s’était tue, lorsque les couleurs s’étaient enfin fanées sous les larmes d’Athalée, il ne restait plus, dans le salon, que de longues griffes jaunes qui avaient éventré les cadres photos et le bleu holographique de ses yeux. Yeux que tu séchais sans ciller quand l’écume venait marbrer ses joues.

    Si pour toi, Lamia, une lumière s’était éteinte, elle ressemblait davantage à une galaxie ou un univers tout entier pour Athalée.

    Tu avais accompagné ta sœur à l’enterrement mais, comme pour ton père, tu avais refusé d’y assister.
    Tu n’avais pas besoin d’une tombe pour te souvenir. Elle était là, maman. Tu sentais sa présence dans la cuisine et dans la salle de bain, tu entendais encore son odeur d’épicéa et d’ambre fraîche. Elle était là. En toi, et en dessous de toi. Pour toujours.

    (La mort de ton père avait été différente, elle – tu t’en souviendrais longtemps. Elle se composait d’une succession d’échos. De souffrances feutrées, que portaient les bruissements de peintures, le miroir du hall d’entrée, les pleurs de ta mère, puis les cris, les tentatives de conversation avortées et le noir qui envahissait ta chambre le soir. De longues heures, tu laissais la fenêtre ouverte malgré le froid et écoutait le feulement des voitures et des enfants pour ne plus entendre les bruits de l’intérieur. Ces bruits qui ne semblaient plus venir de l’appartement, mais de vous. De votre chair. Des organes internes que la mort de ton père avait laissés nus. Vulnérables.)

    Quelques jours plus tard, tu avais rendu ton studio pour emménager dans l’appartement de ta mère avec Athalée. Peut-être aurais-tu dû déménager, Lamia, t’éloigner de cet endroit où la mémoire semblait s’être faite reine et où chaque nuit vous rappelait à son sourire ; mais les souvenirs glissaient sur ta peau sans t’atteindre et tu t’étais accoutumé à son absence (tu aurais voulu le croire.) Tu n’avais pas eu la force de partir. Tu avais seulement retiré les cadres des photographies. Et, lorsque les étoiles transperçaient les étoiles de Brooklyn, lorsque ta sœur ne parvenait plus à pleurer, tu te contentais de t’asseoir à côté d’elle en silence pour lui proposer sa ta présence. D’être là, le soir, alors que tu aurais préféré boire avec Aaron. De rester. Comme un rocher, un encrage ou peut-être une ancre, à se graver sous sa peau pour lui assurer que tu ne la laisserais pas.

    Que plus personne ne la laisserait.
    Qu’il n’y avait plus d’écume sous ses paupières et aucune larme à épancher encore.
    Peut-être était-ce à cet instant que tu avais réellement commencé à être quelqu’un de bien, Lamia ; quelqu’un qui voudrait sauver le monde.

    Un soir, Athalée t’avait demandé si quelqu’un ramènerait votre mère à la maison.

    Vous étiez sur le balcon, silencieux, comme presque chaque jour. Brooklyn s’était endormie avec le crépuscule ; le monde te paraissait aussi calme qu’une nuit d’hiver et parfois un rire, échappé d’une ruelle, magnifiait vos prunelles ternies. Les étoiles transperçaient les paupières du ciel – et derrière tu souffrais, dans les tremblements de tes reins, de tes hanches, de tes cuisses déchirées. Tu avais allumé ta sixième clope et expiré une taffe de fumée. Tu te calmais de cette manière – tu t’étais toujours appliqué à cacher ta colère devant ta sœur. Comme si un pauvre sourire pouvait effacer la douleur qui avait terni l’éclat de ses prunelles azurées.

    (Tu étais prisonnier, mais tu ne savais pas de quoi.)
    (Peut-être d’elle. Peut-être de ton passé que tu t’appliquais tant à ignorer.)


    Avec lenteur, tu avais tiré une nouvelle taffe avant de laisser les cendres s’évanouir au creux de la nuit. Puis tu avais murmuré :

    — Maman n’a pas besoin de revenir à la maison, Atha. Elle est partie, mais tout ce qu’elle nous a donné ne disparaîtra pas. La seule chose à faire, c’est de continuer à être, sans elle, ceux que nous étions en sa présence. Voilà tout.

    Et un sourire triste avait saisi tes lèvres.

    Après la mort de ta mère, les années s’étaient succédées lentement.
    Tu avais réussi ta dernière année de formation et tu étais devenu policier. Tu avais été diplômé un jour de printemps, alors que les quelques cerisiers de la ville se nimbaient de roses ; le vent s’échouait à l’orée du Bronx et tu t’étais concentré sur le paysage que la fenêtre t’offrait, plutôt que sur le discours du criminologue. Tu restais distrait, et tu l’as été tout autant lorsque tu étais devenu lieutenant de police. Tu travaillais beaucoup, pratiquait tout autant la boxe et le tir, et rentrais le soir pour préparer le dîner. Tu avais été blessé, une ou deux fois, mais tu parvenais à remplir tes objectifs – à devenir celui que tu avais toujours voulu être. Tu demeurais colérique, mais ta violence s’était apaisée et elle devenait dormante. Coulée dans le marbre.

    Et puis… La Lune Rouge.
    Ce jour-là avait tout bouleversé.
    Ta vie. Celle des hommes ; l’existence.

    (Tu te souviens ; le ressac amenait sur la grève les restes déchirés de l’humanité. Des échos d’humanité saillaient ci et là, au grès de la neige, et tu voulais croire que tous les vivants avaient respiré ce même air souillé que toi ; un air pur, abject. Un air de souvenirs viciés.)

    Tu te souviendrais toujours du 21 décembre, peut-être parce que tu avais ressenti la terreur pour la première fois.

    La neige s’était teintée de rouge, ce soir-là. Vous étiez huit – les hommes de ta brigade et toi -, et aviez établi une barricade au bord du Hudson. La surface tranquille du fleuve sursautait au rythme de vos pistolets ; vous aviez été déboussolés, au début de la nuit, jusqu’à ce qu’une bête se saisisse de la jambe de Smith. Et vous aviez tiré – vous aviez tiré plus que fois que vous ne pourriez le nommer. Vous sentiez, sous votre peau, souffler des tempêtes que le temps avait éteint depuis longtemps. Des perles de givres s’accrochaient à vos lèvres et glaçaient lentement vos os, comme si des spectres descendaient du ciel pour se pencher sur vos épaules. Vous étiez vivants (encore un peu, encore quelques minutes supplémentaires), mais vous saviez que d’autres mourraient.  Et, plus loin, vous entendiez les prières dans le sein des femmes et des enfants, les expiations éhontées, et les murmures qui naissaient au creux de la nuit pour descendre dans l’agonie de la mort. Vous les entendiez, sans pouvoir les taire…
    Tu sentais la terreur figer lentement tes hommes, Lamia, mais tu restais calme. Plus calme que tu ne l’avais jamais été. D’un coup, tu avais explosé la tête d’un rat géant, puis tu t’étais interposé entre l’un de tes hommes et une beast pour enfoncer ton pistolet sous son crâne. Le sang avait tâché ton visage ; tu n’avais pas bougé.

    Tout cela, c’était votre monde, comme tu l’avais toujours perçu.
    Ce monde de guerres sanglantes et de dérision, de cruauté – ce monde au creux de tes reins depuis toujours, mais à présent offert au monde, comme si la lune rouge avait disséqué New-York et retourné l’estomac des hommes.

    Tu avais explosé la tête d’une autre bête, puis la valse des morts s’était calmée. Un instant de silence, un repenti dans cette neige blanche qui semblait couvrir le monde de noir.

    Lentement, vous vous étiez figés. Le givre refroidissait vos muscles que l’adrénaline avait pris comme tout à chacun, et tu t’étais redressé tandis que tu observais tes hommes. Tu ignorais les animaux fantasmagoriques qui s’étaient glissés à leurs côtés, comme la salamandre que tu protégeais au creux de ta main. Tu ne comprenais pas encore ce qu’était un anima ; mais, ce soir-là, tu ne te préoccupais que de ce qui pourrait te tuer. De cette chair mouvante, sensible qui s’écorchait entre tes doigts. De toi, et de ce monde que tu ne reconnaissais plus.

    (Tu sentais la présence de Rune, pourtant ; tu sentais chacun de ses souffles capturer ta peau comme si elle était tienne, et tu entendais dans ton âme le bruissement familier de toi-même. Tu en aurais sans doute été terrifié, si tu avais eu le temps de l’être. ).

    Un soupir las s’était inscrit sur tes lèvres, puis tu avais glissé ton flingue à ta ceinture et sorti une cigarette de ta poche. Tu avais tiré quelques taffes d’un geste nerveux – les cendres s’étaient dispersées dans le ciel rouge et noir. Derrière toi, le ressac embrassait les bottes de tes hommes et le marbre fouettait leurs chevilles. Tu entendais les cailloux rouler contre leur peau, et tu te souvenais de ces mots que tu avais entendu grésiller dans ton téléphone une heure plus tôt. Des mots grands, immenses. Terrifiants, aussi. « La plupart des animaux ont muté et attaquent les hommes. Et certains individus ont commencé à réaliser des choses étranges. Comme des pouvoirs psychiques… ils s’en prennent aux autres, parfois. Restez vigilants. Ici, nous tombons comme des mouches… »

    Tu avais compris que le monde mourrait, Lamia. Et, avant que tu ne puisses te l’avouer, avant même que les premières créatures ne vous retranchent au bord de la grève, tu avais pensé à elle. À celle que tu devais protéger – et tu avais pris ta décision, aussi égoïste qu’elle soit.

    Lorsque ton lieutenant avait posé ta main sur ton épaule, tu avais ainsi murmuré sans hésitation :  

    — Retournez au commissariat pour prendre les armes et les munitions de la réserve, puis rentrez chez vous et protégez vos familles. Vos voisins aussi, si vous le pouvez. Sherwood et Morrigan, restez avec Smith pour le protéger. Il n’ira pas loin, avec sa jambe.
    — Et vous, chef ?
    — Je reste seul. Je m’en sortirais.

    À cet instant, un sourire presque douloureux avait marbré tes lèvres, Lamia. Tu sentais la mort s’appesantir au creux de tes mains, comme dans le ressac de la grève et dans le regard de tes hommes ; mais tu savais que tu t’en sortirais (et ils le savaient aussi). Tu avais enjambé le cadavre d’une beast, puis les docks avant de te glisser vers les ruelles de Brooklyn. Tu avais accéléré. Chacun de tes souffles erratiques paraissait s’écorcher contre tes lèvres. Une seule pensée traversait ton propre cœur tandis que tu courrais : Athalée. Sauver Athalée, juste elle.

    Et tu te souvenais de ses bruissements de fleurs et de ses sourires joyeux lorsque tu l’emmenais découvrir New-York. Tu te souvenais d’elle – de tout. De sa présence subtile et éphémère, de ses poignets ambrés comme des diamants, de la brise qui lacérait ses cheveux lorsqu’elle se glissait sur le balcon. Souvent, tu pensais la rassurer, mais c’était en réalité elle qui comblait les manques de ton cœur. Sa présence. Son rire.

    (Tu n’avais jamais été aussi apaisé qu’auprès de ta sœur.
    Peut-être parce qu’elle était devenue ta lumière, dans ce monde qui semblait avoir rejeté ton père.
    Tu n’aurais pas supporté qu’elle meure.)


    Tu accélérais, encore, et tes pas s’allongeaient rapidement sur l’asphalte. Autour de toi, des excroissances osseuses se muaient en esplanades de chair puis traçaient ta route sur le sourire des morts – étais-tu vivant encore ? –, dans les pleurs des femmes et l’agonie de ceux que tu avais juré de protéger, dans la promesse du cauchemar à venir – jamais chair n’avait été plus morte que la tienne. Tu n’avais jamais eu peur, mais l’idée de la perdre te pétrifiait peu à peu. L’angoisse devenait cri – tes souvenirs, un monstre caché au creux de ton cœur. Le froid gelait tes omoplates et tu avais découvert ta nuque pour glisser Rune dans le creux de ta capuche (tu avais déjà accepté sa présence). Dans ce petit corps, tu ressentais encore un peu plus la fragilité du vivant. De cette chair, que tu avais toi-même appris à déchirer.

    Et autour de toi, toujours ce même silence.
    Ce silence qui avait cristallisé le temps lui-même – et il n’y avait aucune punition pire que le silence dans un monde où le temps fait défaut.

    Tu avais toujours été persuadé que le mal se terrait au creux des hommes, Lamia, mais, tandis que tu avançais dans la ville, il te semblait que le monde lui-même s’était putréfié.

    Tu courrais, toujours.
    Athalée, Athalée, Athalée.

    Enfin, tes cheveux s’étaient enflammés tandis que tu pénétrais dans le quartier de ton enfance, puis te dirigeais vers ton appartement. Tu avais manqué de tomber, plus d’une fois (et sans doute n’aurais-tu jamais été capable de te relever avant d’être mort.) Tu avais abattu une beast au couteau et tes mains tremblaient encore du sang de la ville.

    Lentement, malgré ta panique, tu avais ralenti pour observer ; tu étais flic, après tout.
    Et autour de toi, les rues demeuraient étrangement calmes. Comme si la neige avait étouffé les cris des survivants – ce qui demeurait d’un homme, lorsque son corps lui avait été arraché. Comme si la mort régnait désormais sur l’asphalte.
    Pour la première fois, le silence t’avait apeuré.

    C’était comme si l’ombre de tes pas elle-même s’évanouissait.
    C’était comme si ton existence elle-même se réduisait à un ersatz de rien, de vide, où pourraient encore saillir les espoirs si seulement tu étais capable d’y croire.
    C’était comme si tu allais mourir.
    Peut-être était-ce elle qui était déjà morte.

    Tu avais sauté au-dessus du portail, poussé la porte déjà ouverte de l’immeuble, puis dévalé les marches.
    Un étage. Deux. Cinq. Sept.

    La porte commençait déjà à brûler sous tes mains lorsque tu l’avais fracassée pour te glisser dans l’appartement. Les flammes embrassaient l’air autour de toi et c’était toujours cette panique sourde qui déchirait tes poumons, c’était cette même panique qui coulait du plomb dans la gorge et te laissait là, haletant, indécis. L’incendie se nourrissait de tes terreurs. Frénétiquement tu posais tes doigts sur les murs et tu la cherchais (il t’aurait suffi d’une empreinte, d’un feulement de fleur pour la reconnaître). Mais la lune semblait avoir tâché ton salon de rouge, et tu ne reconnaissais rien – ou était-ce ce magma de sang et de flammes, sur ton visage et sur ta peau, qui avait lentement englouti tes souvenirs pour les remplacer par un cauchemar ?

    Il n’y avait plus rien de toi ici.
    Plus rien de ta mère ou de ta sœur, plus rien de leur présence.
    Plus rien de ces nuits où tu fumais sur le balcon, entourée par les odeurs d’agrumes et de soda tandis que tu cuisinais ton célèbre poulet au coca.

    Tu avais cru entendre la voix d’Athalée, depuis sa chambre, mais tu ne parvenais plus à avancer. Tes jambes s’étaient bloquées. Les flammes avaient envahi l’appartement, et tu commençais à comprendre qu’elles se nourrissaient de ta panique – qu’elles y dansaient, à l’ombre de tes paupières comme au creux de toi-même, à cet endroit qui n’était plus que fureur. Même après des années de sommeil, le monstre au fond de toi n’était pas mort. Tes reins portaient toujours l’empreinte de tes parents et d’Ophélia. Cette empreinte de chair morte, putréfie. Cette empreinte qui te paralysait alors que tu avais toujours su comment agir – même maladroitement.

    Tu t’étais immobilisé près du chambranle de sa chambre. Même si tu t’élançais, tu ne pourrais pas la sauver sans que les flammes ne se glissent sur ta peau, puis sur la sienne ; elle était là. Si proche, mais inaccessible. Si lointaine, dans son visage de terreur et sa peau que les larmes avaient cristallisé.

    (Tu n’avais pas encore compris que tu ne brulerais pas, Lamia. Les flammes s’étaient pourtant gravées au creux de toi pour former un bouquet de chair, une extension compacte de conscience que tu pourrais manipuler jusqu’au jour de ta mort…)

    Soudainement, une main s’était posée sur ton épaule.
    Puis tu avais entendu sa voix, pour la première fois. Suave et Rauque. Close comme une tombe qu’un mort aurait rouverte.

    — C’est toi qui a créé ces flammes. Tu peux les contrôler. Force-toi un passage si elles ne veulent pas s’ouvrir pour toi.

    Tu n’avais posé aucune question – elles te semblaient inutiles, arides. L’incendie s’évasait au creux de tes reins puis léchait tes chevilles, et tu avais observé les cheveux noirs de l’inconnu, ses yeux aussi ébénéens que la lune – une main que rien ne semblait pouvoir ramener à la vie. Sa peau paraissait se parcheminer dans la pénombre. Ses lèvres redessinaient la douleur. Avant que tu ne puisses répondre, l’inconnu s’était élancé au travers des flammes, et un grognement s’était échappé de tes lèvres tandis que tu le suivais (tout semblait s’ouvrir autour de ton corps et se transformer autour de toi, comme si tu étais devenu roi.) Vous aviez gagné la chambre d’Athalée. Puis tu avais laissé l’inconnu porter ta sœur évanouie tandis que le feu brûlait tes mains – qu’il brûlait ton sourire.

    Cinq minutes plus tard, tu respirais l’air frais de New-York en caressant les cheveux de ta sœur. Un rire avait pâli tes lèvres et tu avais fermé les yeux tandis que ton angoisse se calmait lentement. Peut-être parce que les beasts avait déserté les rues, tu ne craignais plus le silence, à ce moment-là ; il semblait souligner le miracle de ta renaissance aussi bien que la brise qui serrait tes côtes, et tu humais lentement l’odeur d’Athalée.

    L’homme avait brisé le silence tandis que vous marchiez vers la grève – tu vous dirigeais vers un ancien dock où la police avait stocké des munitions. (Tu ressortirais pour te battre, lorsque ta sœur serait sauve.)

    — Je m’appelle Damoclès.
    — J’en ai pas grand-chose à foutre de ton nom. (un silence crispé, avant qu’un sourire narquois n’étire tes lèvres.) La seule chose que je sais c’est que tu as sauvé ma sœur, c’est tout ce qui compte.

    Un rire s’était échappé de ta gorge (un peu rauque, comme s’il s’était perdu dans ton larynx) lorsque tu avais abattu une beast. Puis tu avais rejoint le fleuve avec ta sœur.

    Ce soir-là, debout auprès de Damoclès, tu avais lentement assisté à la mort des hommes. Et toi, Lamia, toi qui tentait de sauver le plus de personnes possibles, tu souriais alors que tu dansais. Tu souriais alors que tu brûlais – que le feu te consumait – et j’aurais voulu te voir sourire encore pour être certaine que tu possèdes encore quelque chose de tangible dans ce monde devenu fou.

    Le lendemain, alors que tu t’appliquais à aider les survivants, tu avais compris à quel point la lune avait défiguré le monde. – sans doute aurais-tu comparé ce jour à l’éclosion d’une fleur si elle ne t’avait pas parue aussi noire…. La Lune Rouge n’avait pas créé de stigmates. Elle n’avait ni creusé la chair, ni défiguré les hommes – même si elle en avait tué certains. Non, elle avait simplement révélé ce qui se tenait caché dans le tertre de vos ombres. Quelque chose de cruel, de putride ; quelque chose qui se collait mal à la civilisation et réveillait dans le sein des femmes une sensation de tiraillement obscur, de malaise – comme si un monstre croissait en leur ventre.

    La Lune Rouge avait dévoilé ces facettes cachées et subtiles que chacun tient clôt en lui-même pour préserver l’humanité.
    Elle avait dévoilé les tiennes également.

    Quelques jours plus tard, lorsque le monde s’était calmé (peut-être agonisait-il) et que Maxwell s’était déclaré roi de New-York, tu avais déjà choisi de combattre. À ses côtés, ou contre lui, si cela te permettait de sauver les hommes d’eux-mêmes.

    Tu avais rapidement accepté ton pouvoir ; la présence de Rune, également.
    Damoclès t’y avais aidé, avant que la folie ne s’empare à son tour de ses lèvres.
    Vous aviez fondé votre propre groupe de mercenaires – les éros.

    Le pouvoir ne t’intéressait pas, Lamia ; il était une promesse à tenir. Lorsque la nuit s’étendait sur New-York, tu sentais se redessiner en toi les bulles de souvenirs que tu avais éclaté contre les murs des cimetières, le jour de la mort de ton père ; et alors, tu te souvenais de ce que tu voulais protéger. Les autres. Cette brise agile qui avait saisi la ville pour briser les ailes des vivants. Vous étiez devenus les « chiens du roi », mais tout ce qui t’intéressait, c’était le contact humain. La fragilité d’une paume qui se rive à la tienne quand tu leur apprenais à utiliser leurs pouvoirs. Leur sourire, effacé par la neige mais beau comme une expiation. Leurs rires. Un petit peu de ce que le monde avait perdu, au creux de ta gorge.

    (Trois années plus tard, tu demeurais chef, Lamia, et tu continuais à te préoccuper des éros les plus fragiles malgré le travail qui s’accumulait sur tes épaules.)

    Un jour, tu en avais sauvé un dans le creux du monde.
    Et tu te souvenais parfaitement de ce soir-là – rêve indélébile.

    La vie semblait t’avoir laissé brut et nu une fois de plus ; tu marchais dans les rues étouffées par l’hiver et le feulement feutré de tes pas se confondait avec les rires d’une femme. Tu observais la photographie dans tes mains. Celle d’un due, donc le visage semblait avoir cessé de vivre tout à faire – tu voyais l’éclat de la lune illuminer ses prunelles folles et il ne semblait rester de lui qu’un corps brisé par les lèvres. Un sourire s’était échappé de tes lèvres. Certains jours, tu détestais traquer les dués. Peut-être parce que vous auriez dû vous unir plutôt que de vous assassiner – deux de tes mercenaires avaient été tués la semaine passée.

    Autour de toi, tout restait silencieux.
    Tu savais que cela ne reflétait que le cauchemar à venir.
    Tu avais glissé tes mains dans tes poches après avoir éteint ton éternelle cigarette. Dans la neige, derrière les murmures silencieux de l’hiver et la promesse du soir, tes cheveux roux semblaient parasites. Bien trop vifs, pour cette ville qui ne demandait qu’à s’endormir et à laisser le malheur glacer ses immenses avenues.

    Tu savais où chercher le dué que tu traquais, Lamia, mais tu ne t’attendais certainement pas à le trouver étendu sur le sol, après une ruelle, aux côtés d’un jeune homme dont le visage paraissait avoir été saisi par la colère. (tu voyais les flammes dans ses doigts, invisibles mais belles, et ses reins qui tremblaient d’une fureur mal — pas – contenue.) Tu avais observé quelques instants le corps de ton ennemi, puis avait déchiré les photographies et glissé ton regard vers celui du blond. Ta voix s’était échappée – sarcastique, comme à son habitude.

    — Ça tombe bien, je cherchais ce gars. Il doit être K.O., vu le coup que tu lui as foutu.

    Sans te préoccuper davantage du jeune homme, tu avais glissé tes doigts dans ta poche pour en sortir ton portable et taper un rapide message à un numéro que tu n’avais jamais enregistré (c’était ta façon à toi de lutter contre le quotidien pour ne pas te laisser emporter par une autre violence que la tienne.) Puis tu avais glissé tes yeux vers ceux du garçon pour en capturer le regard. Tu n’avais jamais été doué pour comprendre les gens, mais tu savais repérer les criminels. (et celui-ci n’en était pas un. Il possédait seulement quelque chose de l’absurde, du poison, de l’arsenic qui avait ravagé la ville.)

    D’un geste calme, tu avais tiré une cigarette de ta veste, l’avait allumée entre tes doigts (regard surpris, sourire amusé) avant de la tendre au jeune homme.

    — Tu veux une taffe ?

    La neige avait recommencé à tomber et tu secouais la tête tandis que ton regard se posait un instant sur les toits cristallins de la ville. La grève n’était pas loin ; tu entendais le sable artificiel fouetter les chevilles du monde et tu sentais les cailloux rouler sous la neige. Tu imaginais encore la mer – cette amante vénale qui vous séparait de l’univers que tu avais connu. Et tu songeais à l’avenir, Lamia, tu songeais à la folie que tu commençais à apercevoir chez Damoclès, à ce réseau que tu organisais peu à peu et à ces tavernes peu enviables que tu fréquentais, tu songeais à ta sœur qui t’attendait à la maison, et au chocolat que tu avais promis de lui rapporter. Lentement, un soupir s’échappait de tes lèvres. Tu sentais la lumière s’étendre autour de toi – et pourtant l’avenir n’avait jamais été aussi noir. Peut-être parce que, après tout ce temps, le fleuve continuait de couler.

    Tu étais désespérant.
    D’un air las, tu avais grogné, avant de laisser Rune s’installer au creux de ton cou et de tourner tes yeux vers le jeune homme. Puis tu lui avais tendu la main, comme tu l’avais déjà fait plusieurs fois auparavant.

    — Okay. Manifestement, tu ne contrôles absolument pas ton pouvoir, et tu t’énerves un peu trop vite, mais t’as pas l’air d’un mauvais gars. Ça te dit que je te montre un ou deux trucs ?

    Plusieurs flammes s’étaient élevées autour de toi – fragment de poison, de manticore – et valsaient lentement autour de ton visage. Puis un sourire avait étiré tes lèvres avant que tu ne te détournes et que tu commences à marcher en direction de l’avenue la plus proche. Tu savais qu’il te suivrait.

    — Au fait, je m’appelle Lamia.

    Comme si ce nom résonnait lentement l’avenir.
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    Lun 10 Juil 2017 - 12:22
    je. je. je. je sais pas quoi dire après avoir lu ta fiche (oui ça t'aide beaucoup ikr /die/). Mais, tu as réussi à parfaitement saisir l'essence du personnage et le tourner pour te l'approprier complètement et c'est grave beau ok ? ;; c'est genre la quintessence du prédéfini de danser aussi bien dans les mains de son joueurs, de quitter le nid de sa création pour déployer ses ailes. Et même si ton histoire est GRAVE LONGUE HOLY SHIT, elle est grave belle aussi et on voit pas le temps passer alors qu'on la dévore KEUR Lamia est parfait (à sa façon) et tu vas enfin pouvoir revêtir les couleurs - bien méritées - des éros. Hâte de te voir INRP KEUR
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