Ses pieds s'alignent l'un derrière l'autre, avançant à un rythme plus lent que ses longues jambes le lui permettent pour la simple et bonne raison, qu'il ne faut absolument pas marcher sur les bordures, jamais. Pourquoi ? Bonne question. Les bras tendus pour garder l'équilibre, le regard des passants ne se lèvent pas à son encontre et à chaque fois que l'un d'eux se retrouve sur son passage, son corps disparaît pour le laisser passer, comme s'il n'était qu'une fumée irréelle. Oh Lamia l'engueulerait probablement d'utiliser son pouvoir de manière si futile, l'invisibilité oui, l'idée de jouer à la poutre sur le trottoir, non. Pourtant Damoclès continue son manège jusqu'à destination : Brooklyn Heights. Il lève alors les yeux vers l'immeuble avec un sourire.

Il a appris récemment que l'une des Eros a pour mission de prendre en photo les Dués ou tout être un peu louche qui croiserait son chemin. Et bien qu'il ne se souvienne pas de grand-chose, il sait au fond de lui, il en est persuadé il doit retrouver cette personne. Qui est-ce ? Il ne le sait pas. Pourquoi ? Il sait seulement qu'elle a détruit sa vie. Comment ? Il n'en a pas la moindre idée. Il a finit par se dire que l'absence de son anima et ce vide cruel en lui est surement la cause de cette haine sans fin qu'il ressent pour cet inconnu.

❝ Bientôt Eros, bientôt. ❞

Il pousse la porte de l'immeuble avant de s'attarder, son regard se posant sur absolument chaque chose qui pourrait l'intriguer afin de le noter dans sa mémoire, peut-être dans l'espoir de ne pas l'oublier …

Enfin, il y est et bizarrement, maintenant qu'il se retrouve devant cette porte, il se dit que c'était sûrement une très mauvaise idée d'avoir forcé son bras-droit à lui donner cette adresse, mais puisqu'il est ici et bien, ce n'est plus le moment de reculer. Sa large main se ferme en un poing et alors qu'il s'apprête à toucher le bois de la porte, il s'arrête, prenant le temps de retirer son invisibilité ainsi que son immatérialité. La lueur brillante dans ses yeux s'amenuise sans pour autant disparaître alors qu'il toque enfin.

Lorsque la porte s'ouvre, il lui faut un instant pour baisser les yeux vers le visage de la personne qu'il est venu voir. Il oublie parfois qu'il est un géant dans ce monde, encore une chose qui le rend si différent de ces êtres qu'il jalouse secrètement. Un léger sourire se dessine sur ses lèvres lorsqu'elle commence à parler, étrangement le fait qu'elle ne soit pas intimidé ou tout du moins qu'elle tente si bien de le cacher est quelque chose qu'il apprécie. Quand toutes les personnes qui vous croise détournent le regard en espérant que vous ne les verrez pas non plus, lorsqu'enfin une personne ose relever les yeux assez longtemps pour que vous puissiez devinez la couleur de ses yeux, il y a quelque chose d'étrangement satisfaisant.

❝ Un ami commun m'a fait part de votre implication pour notre …. Hum … ❞

Sa voix rauque se stop et il lève les yeux au ciel, cherchant ses mots.

❝ Organisation. ❞

Il ne prononce ni les mots de Lamia ou Eros, après tout, on ne sait jamais qui écoute et les voisins de cette demoiselle n'ont pas besoin de savoir ce qu'elle fait de son temps libre.

Damoclès ne souhaite pas lui dire la vraie raison de sa présence et bien qu'il ne soit ni du genre violent ou à utiliser l'intimidation pour obtenir ce qu'il veut, aujourd'hui il ne pouvait pas accepter un non comme réponse à ses questions. Il fait alors un pas en avant, se rapprochant de la jeune femme bien plus que nécessaire avant de déposer ses mains sur les bras de la demoiselle pour la soulever afin qu'elle ne lui barre plus la route. Quelques pas dans l'appartement et il la dépose sur le côté avant de commencer à fureter du regard à l'intérieur de son chez elle.

❝ C'est mignon. ❞

Il ne prend même pas le temps de la regarder dans les yeux lorsqu'il lui dit ceci, son regard déjà accroché par un bureau dont il s'approche sans attendre qu'elle lui donne l'autorisation de fouiller, repoussant déjà des feuilles dont il se fiche pas mal, il cherche les photos de la jeune femme et qu'importe ses plaintes, il n'est pas du genre à écouter les autres après tout.                                      

Damoclès ignora avec difficulté le grognement de la panthère, la vision des anima le pétrifiait, lui torturait l'esprit et lui faisait perdre pieds, alors il avait appris à ne plus les remarquer. Au départ ça avait été difficile, il ne cessait de les fixer avec une incompréhension immense, il avait tenté bien des fois d'approcher et de toucher l'anima d'autres survivants. Après qu'il ait osé le faire avec l'anima de Lamia, son bras droit avait fini par lui expliquer pourquoi il ne fallait surtout pas le faire. Il ne comprenait pas ce que cela pouvait faire, ce qu'il avait pu ressentir et pourtant il lui avait obéit et à présent il avait choisi de ne plus les approcher ni même les regarder.

❝ Lamia ne m'avait pas dit que vous étiez si futé. ❞

Le leader des Eros arrêta de fouiller lorsque dans ses paroles il put deviner qu'elle avait caché ses documents afin que personne ne puisse les trouver. Intelligent. Cette petite ne faisait que gagner des points pour lui. Au fond il aurait put utiliser son pouvoir pour retrouver les photos, modifier son réel, l'intégralité de son appartement ou même la menacer pour la faire parler, mais encore une fois Lamia le lui avait interdit. Il imagine que c'est parce que terrorisé ses employés n'est pas vendeur ou qu'encore une fois il se montre trop sensible.

❝ Qui je suis ? ❞

Un rire passa ses lèvres.

❝ Vous en savez donc si peu sur l'organisation que vous suivez ? ❞

Toujours sans aucune gêne, Damoclès se laissa tomber sur le canapé de son hôte pas forcément consentante, mais puisqu'il le fallait, il lui expliquerait. Ca devenait fatiguant de raconter de quelle façon les Eros s'étaient réellement former et surtout devoir prouver que oui il est bien l'associé de Lamia bien que celui-ci est quasiment tout fait depuis un an.

❝ Savez vous pourquoi les Eros ont été formé ? Pourquoi Lamia vous recrute et vous forme ? Savez vous pourquoi notre but est-il de chasser les criminels ? ❞

Il se doutait que son bras droit avait réussi à pondre un argumentaire en béton tout en omettant sa propre implication. C'était le plan après tout. Damoclès n'avait rien d'un leader charismatique, il était plutôt une arme prête à exploser à tout moment. Voilà pourquoi Lamia était celui chargé du recrutement, celui qui se lit d'amitié avec les membres, parce que Damoclès serait celui qui prend les mauvaises décisions, celui qu'ils pourront détester, celui qui semble voler la gloire de celui qu'ils ont tous réellement suivi jusqu'ici.

❝ J'ai créé les Eros le jour où j'ai sauvé Lamia de son propre pouvoir, depuis ce jour je me suis promis d'aider les mutants qu'importe ce qu'ils feront, qu'importe ce qu'ils seront et qu'importe contre qui ils lutteront. Lamia m'aide depuis ce jour et petit à petit tout ceux que l'on a aidé ou sauvé gonflent les rangs des Eros. ❞

Ses yeux rouges s'illuminent alors et Damoclès fait alors apparaitre devant les yeux de Nova le visage de tous les membres de l'organisation un par un et à une vitesse folle, ne lui laissant pas le temps de pouvoir se souvenir correctement du moindre de ces visages.

❝ Je suis Damoclès, le leader des Eros, du moins c'est ce qu'on aime dire afin que l'amertume du gouvernement se retourne contre moi. Même si au fond je ne suis que l'ombre et chaperon de Lamia. ❞

Ses yeux perdent ensuite de leur lueur avant qu'il ne plonge de nouveau son regard dans celui de Nova.

❝ Maintenant que tu sais tout ça, est-ce que tu vas m'aider ? ❞

Etrangement Damoclès ne pensait pas que ce serait si simple. Oh il savait que Lamia et Lucy le suivrait peu importe où, qu'ils lui vouaient une confiance infinie, mais le reste des Eros, c'était différent. Ils ne l'avaient jamais rencontré, ils ne savaient pas d'où il pouvait bien venir, ils ne connaissaient rien de lui. Pourtant Nova accepta sans la moindre hésitation. Peut-être faisait-elle assez confiance à Lamia pour le croire ? Où alors peut-être que son engagement pour les Eros était plus fort que ce que Damoclès l'avait imaginé. En tout cas peu importe la raison, il était bien content de ne pas avoir à argumenter plus longtemps. Il avait besoin de savoir, besoin de comprendre.

❝ Cela fait un moment que je n'ai plus le moindre espoir de trouver ce que je recherche. ❞

Après tout. Retrouver une chose dont il ne sait rien est assez compliqué. Se serait comme retrouvé le goût d'un aliment que l'on n'a jamais goûté, retrouvé le visage d'une personne que l'on a jamais rencontré. L'amnésie le rendait dingue, enfin contribuait à sa folie comme beaucoup d'autre chose. Damoclès attrapa l'album avec douceur bien que son impatience lui ordonnait de lui arracher ces photos des mains. Il essayait de rester poli et courtois comme Lamia le lui avait demandé. Et un à un il regarda les visages, toutes ces personnes qu'il n'avait jamais vu. Malheureusement aucun ne vint combler le vide, cette impression de manque ni même cette insécurité quotidienne.

Damoclès tenta de camoufler la déception qui soudain l'emplit, fermant les yeux il tenta de faire taire la colère et la frustration dû au désespoir qui l'empara soudain. Il voulait hurler, déchirer cette album et laisser exploser son pouvoir pour se calmer, mais étant celui qui avait appris à Lamia à contrôler les flammes de sa haine, il se devait de rester calme, de montrer l'exemple. C'était sans compter la puissance de ce pouvoir incontrôlable. Contrairement à son bras droit, Damoclès n'avait pas cet être pour l'apaiser, il n'avait pas cet anima pour venir lui susurrer de rester calme. Alors ses yeux se mirent à briller et la lumière dans l'appartement sembla s'éteindre autour d'eux, ne restant que ces deux pupilles rouges sangs brillant dans le noir complet.

❝ Ne craint rien, je ne vais pas te faire de mal … J'ai beau apprendre aux autres à contrôler leur pouvoir, j'en suis comme tu peux le voir, totalement incapable. ❞

Il ferme de nouveau les yeux, retirant la dernière lueur dans le néant, prononçant un mot entre ses lèvres, le répétant comme si cela pouvait l'aider à se calmer. Eros. Après quelques minutes enfin la lumière revient, l'ombre disparaissant autour de cette silhouette toujours debout dans l'appartement. Damoclès tend alors l'album à son propriétaire avec un semblant de sourire.

❝ Tu fais du bon travail, continue ainsi. ❞

Le leader des Eros pose ses yeux durant un court instant sur la panthère présente dans l'appartement avant de détourner les yeux, comme si un simple regard de sa part pouvait le faire disparaitre.

❝ Et merci. ❞

C'était la moindre des choses après tout.