Le quartier semblait plus animé ces derniers temps, sans que tu n'y accordes pourtant une réelle attention. Comme à chaque fois, tu ne faisais que passer, ignorant les regards envieux et les soupirs haineux, tu avançais droit devant le sourire un peu faiblard pour masquer toute la lassitude que ces gens t'apportaient. Tu ne détestais pas particulièrement les autres, seulement tu n'arrivais plus à t'habituer à eux depuis que tu avais tout perdu. Depuis la lune rouge d'il y a trois ans et ton petit séjour chez les philia. Ces personnes que tu rencontrais sur ton chemin pourtant étaient pour la plupart bien au-dessus, mais tu savais. Toutes leurs pensées tu les connaissais, parce que tu avais eu les mêmes et que parfois elles reviennent encore, elles te hantent et t'empêchent de respirer. C'est bien pour ça que tu détestais réfléchir, ton cerveau avait besoin de repos, et ton corps abîmé n'en nécessitait pas moins.

L'odeur qui attise soudain tes narines, tandis que tu passes le virage, te paraît douce et sucrée, peut-être légèrement fruitée mais tu ne saurais trop la décrire. Elle t'attire alors tu la suis, prend le temps d'inspirer lentement puis de souffler calmement. La légèreté de l'arôme t'enchantait réellement, à tel point que tu ne t'étais pas rendu compte que tu te trouvais déjà face à la porte de l'endroit que tu recherchais. Sourcils haussés, un peu surprit d'y être parvenu aussi rapidement, tu laisses ton regard dériver sur l'entrée quelques instants avant d'en ouvrir la porte pour pénétrer les lieux.

... Il y a quelqu'un ?

Ça n'est pas tant de l'hésitation dans tes pas lorsque tu entres dans ce qui semble être une salle d'attente, mais plutôt de la méfiance pour toi qui avait déjà beaucoup vécu malgré ton jeune âge. Tu ne pouvais empêcher le doute dans tes yeux, cependant tu travaillais sur toi pour que cela ne se remarque pas trop. Tu avais rendez-vous, Madhi, et cet homme que tu rencontrerais bientôt ne saurait rien faire de plus que t'apporter les soins dont tu avais besoin. Cette pièce demeurait sobre comme celles de tous les médecins, il n'y avait donc aucune raison valable de t'inquiéter. Il te faudrait apprendre à lâcher prise de temps en temps...

Un soupir qui échappe à tes lippes, une claque que tu t'infliges mentalement pour tenter de stopper ce flot de pensées absurdes et inutiles qui t'envahissent l'esprit, puis tu prends place lourdement sur la première chaise à ta droite; et sans t'en apercevoir c'est un souffle à nouveau qui s'échappe dans les airs... Encore un bout de bonheur perdu. De toute façon tu n'y croyais pas. Quoiqu'un tout petit peu quand même.

Le bonheur ne pouvait revenir aussi facilement une fois échappé, mais tu n'en avais pas besoin, pas vrai ?