Lucrezia n’est encore qu’une enfant. Protégée plus que de nécessaire par sa grand-mère, elle ne connait pas grand chose du monde et de la société. Un peu trop rêveuse, un peu trop naïve, elle n’arrive à voir le mal nulle part et n’a pas conscience du danger. A part de celui que son propre pouvoir pourrait représenter. Lucrezia, elle est du genre à penser que le monde pourrait être parfait si tout le monde se tenait par la main, si tout le monde s’aimait. Lucrezia est un bisounours, bien trop innocente pour son âge. Mais cela ne l’empêche pas d’être curieuse. Elle se questionne sur tout et sur rien. Pourquoi la mère est-elle bleue alors que l’eau n’a pas de couleur ? Pourquoi la lune est-elle écarlate depuis quelques années ? Pourquoi a t-elle changé ? Pourquoi lui a t-elle confié un pouvoir aussi incontrôlable ?

Silencieuse, elle n’en ai pas pour autant timide et solitaire, bien au contraire. Même si il lui est parfois difficile de s’intégrer dans un groupe à cause de son handicap, elle essaie de son mieux, communicant par langage des signes de temps en temps, où en écrivant sur son carnet de dessin. Elle ne peut pas trop faire la conversation, mais elle trouvera toujours un moyen de partager son optimisme, que ce soit avec des geste ou avec un sourire. Oui, Lucrezia est un petit rayon de soleil, qui éclaire et réchauffe les journées de ses camarades de classe. Lucrezia est du genre maladroite, mais pas du genre à ce cacher, elle s’accepte comme elle et elle se dit que les autres aussi. Que cette maladresse fait partie de son charme et que tout le monde en a un. Il est juste bien caché parfois. Elle est aussi serviable, elle n’hésitera jamais à donner plus qu’elle ne recevra.
Elle n’en hais pas moins être seule, elle aime être seulement entourée de ses fleurs. Elle aime le calme autant qu’elle aime le faible brouhaha qu’elle entends parfois quand ses oreilles le lui permette. Principalement car elle s’autorise à chanter quand elle est seule, quand elle est sûr que personne ne l’entendra.
Cette enfant n’est pas difficile, conciliante. Elle aime autant le froid que le chaud. Autant la neige que le soleil. Autant travailler que se reposer.

Justicière dans l’âme, elle n’aime pas être témoin de harcèlement où de discrimination. Son coeur d’or la poussera toujours à prendre la défense des minorités, quitte à s’attirer des ennuis. Elle est juste trop sensible, elle possède juste une surdose d’empathie. Nous l’avons déjà dit elle ne sait pas voir où est le mal… Elle n’y croit même pas. Au mal. Au bien. Après tout, qui sommes nous pour juger des actions des autres ? Personne, exactement.
Qui que vous soyez, quoi que vous ayez fait, Lucrezia sera la pour vous tendre la main. Pour vous offrir un sourire et sa confiance. Vous pouvez l’ignorez, ou décider de la laisser faire de son mieux pour vous aider.

C’est il y a 17 ans, par un matin de février, que Lucrezia vu le jour en Italie. Une vraie surprise pour ses parents, qui ne s’y attendait pas du tout. En effet, Isabela Tozzi avait été diagnostiquée stérile, et, persuadée de ne jamais pouvoir devenir mère, elle avait fait un déni de grossesse. Elle n’en fut pas pour le moins ravie, elle et son mari Matthew, américain, avait toujours voulu avoir un enfant.
Lucrezia était un mélange parfait de ses deux parents, ayant hérité de la chevelure flamboyante de sa maman, et des yeux bleus-violine de son père.
La petite grandit à Florence, dans l’amour et la joie. Elle entra tôt à l’école, avec une année d’avance, et suivi en même temps des cours de piano. C’était sa mère qui en jouait et elle voulait à tout prix devenir aussi douée qu’elle. Entre Isabela et sa fille, c’était fusionnel, même si l’enfant s’entendait aussi à merveille avec son père, qui lui, lu avait transmis la passion du dessin. Quand Lucrezia n’étudiais pas, elle dessinait, et quand elle ne dessinait pas, elle chantait ou travaillait ses gammes.
Cette famille menait une vie aussi tranquille qu’un long fleuve pendant quelques années, mais ce bonheur devait bien prendre fin un jour. Matthew et Isabela perdirent prématurément la vie alors que Lucrezia n’avait que six ans, lors d’un accident de voiture duquel elle fut la seule rescapée, la laissant ainsi orpheline.
Pour être honnête, elle ne se souvient pas vraiment du jour de l’accident, elle se souvient juste d’avoir du passer un certain temps à l’hôpital avant de pouvoir rentré chez elle… Enfin, chez elle, c’était un bien un grand mot.

Seule, elle fit la rencontre de ses grands parents paternels, seul famille qu’il lui restait. Ils portaient le nom de Margareth et de Dan Anderson, tout comme elle, qui fut un jour Lucrezia Anderson. Ils vivaient ensemble à New York, dans le quartier du Queens, et l’accueillir à bras grands ouverts. Elle n’eut pas d’autre choix que de les suivre à l’autre bout du monde, demandant seulement à prendre le nom de sa mère, Tozzi, en souvenir de ses racines italiennes.
Elle s’adapta rapidement, n’avait aucun mal à parler de feu ses parents. Toujours aussi souriante et rayonnante qu’avant son accident. Elle ne voulait pas changer. Elle savait que de là-haut, ses parents n’auraient pas voulu la voir pleurer. Elle serait heureuse pour eux, et vivrait à leurs places.
Au début, elle eu un peu de mal à apprendre la langue anglaise et il lui fallut deux ans pour la maîtriser complètement. Cela ne l’empêcha pas de se faire une ribambelle d’amis à l’école, populaire de part son caractère, puis, à l’adolescence, pour sa beauté et ses courbes italiennes. Mais Lucrezia ne prit pas la grosse tête. Elle ne remarqua rien en fait. Elle ne remarqua pas que le regard que les garçons lui portait avait changé, ne remarquait pas non plus qu’ils essayaient de lui plaire. Et ainsi, sans même s’en rendre compte, elle devint professionnelle dans l’art de la friendzone. On ne lui en voulait même pas d’être si aveugle, si innocente, car c’était cette candeur qui faisait tout son charme… Elle continua sa vie tranquillement jusqu’au lycée, entourée d’amis, de rire, et de joie.

Même rengaine, le bonheur ne pouvait pas durer. Était-elle maudite ?
Cette fois, le malheur ne toucha pas qu’elle, et se fut la planète toute entière qui fut victime de la Lune Rouge.
La Lune Rouge… Elle n’oubliera jamais ce soir là, où pour la première fois, l’astre lunaire éclaira la ville de ses rayons écarlates. La nuit n’avait jamais fait peur à Lucrezia, elle n’avait peur de presque rien. Et pourtant, cette nuit là, elle eu peur. Comme jamais elle n’avait eu peur avant. Des autres, mais aussi d’elle même.
Elle était chez elle quand tout à dégénérer. Elle était avec sa grand-mère en train de tricoter une écharpe dans la pièce à vivre, son grand-père assis dans son fauteuil en train de lire un roman, lorsque de grands bruits se firent entendre au dehors. Inquiets, les deux adultes s’étaient levés et avait regardé par la fenêtre avant de se retourner vers Lucrezia et de lui commander d’une même voix : « Lucrezia, mon petit ange, va te coucher s’il-te plait. Reste sous ta couette, et dors. Quoi qu’il arrive, dort. Ne sort pas de ton lit. » Ils savaient que quelque chose de graves se passait. Que c’était dangereux. Les gens, là, dehors, avait l’air pris de folie, et les premières pensées des deux grands-parents de Lucrezia allèrent vers protéger leur unique petite-fille. C’était une bonne idée, qu’elle fasse seulement semblant de dormir. Personne ne s’en prendrait à une enfant innocente et vulnérable n’est-ce pas ?
L’enfant fit comme on le lui demandait et couru se glisser sous ses couvertures, fermant les yeux en serrant très fort son ours en peluche contre elle. Elle essaya de calmer sa respiration, même quand de grands coups à la porte se firent entendre. Même quand les bruits de la violence du dehors se faisait plus fort. Seulement, elle ne pu rester cachée en entendants sa grand-mère hurler. Sans réfléchir, elle couru jusque dans le couloir, pieds nus et en pyjama, pour découvrir une scène qu’elle n’aurait jamais osé penser à cauchemarder. Son grand-père était à terre, affaissé contre le mur, une plaie béante à l’abdomen. Il était déjà mort. Lucrezia aurait pu en vomir, mais elle ne le fit pas. Trop préoccupé par la vue d’un homme, d’un inconnu qui c’était visiblement introduit chez eux. Cet homme, d’une trentaine d’année à vue d’oeil, avait l’air dérangé. Elle n’avait vu son visage que quelques secondes, et pourtant, son sourire malsain et sadique resterait à jamais graver dans sa mémoire, elle en était certaines. La lumière se reflétait dans ses lunettes de vue, si bien qu’elle n’arrivait pas à voir ses yeux. De toute façon, ce qui l’importait, c’était surtout ce couteau dans la main de l’intrus. Un couteau à viande, qui paraissait énorme. Un couteau qu’il pointait vers Margareth.
Un hurlement retentit, Lucrezia, qui avait perdu la voix quelques instants, avait repris ses esprits et criait maintenant de terreur. L’homme s’arrêta. Il la regarda. Il lui sourit même. Puis il retourna son arme contre lui même, se tranchant la gorge dans un geste précis et rapide. Il tomba à terre, s’étouffant quelques secondes avant de rendre son dernier soupir. Horrifiée, Lucrezia recula doucement, les yeux écarquillés de surprise. Elle ne comprenait rien à ce qu’il venait de se passer, mais elle sentait quelque part qu’elle y était pour quelque chose. C’était elle qui avait fait ça. Avec sa voix. À ce moment là, un nouveau citoyens entra dans la maison, et sans même le regarder, Lucrezia murmura d’une voix tremblante, des larmes commençant à couler sur ses joues : « Que personne n’entre dans cette maison. Que personne n’entre. » Et on lui obéit.
Elle ne sait toujours pas ce qu’elle a voulu dire par là. Est-ce qu’elle voulait se protéger ? Ou est-ce qu’elle voulait juste protéger les autres ?
Elle se précipita dans la salle de bain. Finalement, elle vomirait. Elle avait vu trop d’horreur en si peu de temps… Elle surtout, elle avait commis l’irréparable. Elle avait tué quelqu’un. Par accident, certes, mais elle l’avait tué. Elle passa le reste de cette apocalypse dans son lit, roulée en boule sur les couvertures. Elle pleurait mais étouffait ses sanglots de ses mains. Qui savait ce que pourrait faire sa voix cette fois ? Elle ne sait pas combien de temps elle resta à fixer le vide, les yeux bien ouverts et bien éveillée avant de sentir quelque chose se rouler en boule tout contre elle.  Surprise, elle ne fut pas effrayée pour autant, au contraire, elle fut apaisée. Elle se releva pour examiner cette… belette étrange qui était venue la réconforter. « Vivaldi ? » S’autorisa t’elle à chuchoter. La boule de poil leva le museau vers elle avant de lui donner un petit coup, comme si le prénommé Vivaldi tentait de la réconforter. Elle passa un long moment, des heures même peut-être, à caresser le pelage rouge de celui qui était devenu son anima. Elle avait perdu un grand-père, avait gagné un pouvoir instable, mais avait réussi à protéger sa grand-mère et gagné un compagnon pour la vie.

La Lune Rouge avait changé bien des choses. Elle ne lui avait pas seulement pris sa voix, qu’elle se gardait bien d’utiliser, effrayée de ne pas réussir à contrôler son pouvoir, elle lui avait aussi pris ses oreilles. Du jour au lendemain, le monde autour de Lucrezia était devenu silencieux, seul un infime bruit de fond continuait de grésiller dans son crâne quand on était très bruyant à coté d’elle… Elle aurait pu mal le vivre si elle n’avait pas cette faculté à s’adapter rapidement. En quelque semaine, elle avait apprit le langages des signes et avait pris l’habitude de communiquer en écrivant sur un petit carnet, qu’elle emportait partout. Bien que sourde et muette, elle n’en perdit pas sa joie de vivre et sa sociabilité, passant juste un peu plus passe-partout maintenant que son rire ne résonnait plus dans les couloirs. Elle s’adoucit, murit, se donna corps et âme à la musique et à l’art. Naturellement, elle s’éloigna de ses camarades de classe, en étant toujours proche, mais plus le centre de leur attention. Elle qui aimait tant parler, se contenta d’écouter, même sans pouvoir donner de conseils particulier.
Après la mort tragique de Dan, la grand-mère de Lucrezia prit sa retraite, se remettant mal de la perte du deuxième homme de sa vie, seulement quelque années après avoir perdu son fils tout aussi tragiquement, et elle légua sa boutique de fleurs à sa petite-fille, qui la reprit avec grand-plaisir, y travaillant avant et après les cours, durant les week-end et les vacances.
Lucrezia s’habitua à vivre dans un monde silencieux, et ne pleura jamais la perte de deux de ses sens. Elle entendait encore la musique de son piano, ainsi que la voix de Vivaldi dans sa tête. Ses pépiements sous sa forme de pinson, et ses belottements sous forme de belette. Elle ne regrettait la voix de personne, toute gravées à jamais dans sa mémoire. Elle ne regrettait pas sa voix à elle, la craignant presque. Mais elle n’est pas à l’abris de rencontré celui qui réussira à vouloir la refaire parler, pour exprimer des choses que tout les mots du monde ne saurait décrire. Celui de qui elle voudra désespérément entendre la voix.